Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен
La bar lachi, monsieur, c’est la pierre d’aimant, avec laquelle les bohémiens prétendent qu’on fait quantité de sortilèges quand on sait s’en servir. Faites-en boire à une femme une pincée râpée dans un verre de vin blanc, elle ne résiste plus.
Moi, je lui répondis le plus sérieusement que je pus:
– Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes; il faut aller à la prison, c’est la consigne, et il n’y a pas de remède.
Nous autres gens du pays basque (у нас, людей из страны басков), nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols (у нас имеется акцент, который легко узнается испанцами); en revanche il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona12 (зато из них нет ни одного, кто бы мог научиться говорить хотя бы baï, jaona). Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces (поэтому Кармен было нетрудно догадаться, что я был родом из Провинций; peine, f – наказание; труд; трудность). Vous saurez que les bohémiens, monsieur, comme n’étant d’aucun pays, voyageant toujours (вы, вероятно, знаете, сеньор, что цыгане, не принадлежа ни к какой стране, все время путешествуют = кочуют), parlent toutes les langues (говорят на всех языках), et la plupart sont chez eux en Portugal, en France, dans les provinces, en Catalogne, partout (и большинство их /чувствует себя/ дома и в Португалии, и во Франции, и в Провинциях, и в Каталонии, повсюду); même avec les Maures et les Anglais, ils se font entendre (они умеют объясниться даже с маврами и с англичанами; se faire entendre – добиться понимания, найти общий язык с кем-либо; хорошо объясняться). Carmen savait assez bien le basque (Кармен знала достаточно хорошо баскский язык).
Nous autres gens du pays basque, nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols; en revanche il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona. Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces. Vous saurez que les bohémiens, monsieur, comme n’étant d’aucun pays, voyageant toujours, parlent toutes les langues, et la plupart sont chez eux en Portugal, en France, dans les provinces, en Catalogne, partout; même avec les Maures et les Anglais, ils se font entendre. Carmen savait assez bien le basque.
– Laguna, ene biholsarena, camarade de mon cœur, me dit-elle tout à coup (Laguna, ene biholsarena, друг сердечный, сказала она мне вдруг; camarade, m – товарищ; друг), êtes-vous du pays (вы из страны = мы земляки)?
Notre langue, monsieur, est si belle (наш язык, сеньор, такой красивый), que, lorsque nous l’entendons en pays étranger (что, когда мы его слышим в чужом краю), cela nous fait tressaillir (нас охватывает трепет: «это нас заставляет вздрогнуть»; tressaillir – вздрагивать, содрагаться)… Je voudrais avoir un confesseur des provinces, ajouta plus bas le bandit (я бы хотел иметь духовника из Провинций, добавил, понижая голос: «потише», бандит).
Il reprit après un silence (после молчания = помолчав, он продолжил):
– Je suis d’Elizondo, lui répondis-je en basque (я из Элисондо, – ответил я ей по-баскски), fort ému de l’entendre parler ma langue (сильно взволнованный тем, что услышал, как она говорит на моем языке).
– Laguna, ene biholsarena, camarade de mon cœur, me dit-elle tout à coup, êtes-vous du pays?
Notre langue, monsieur, est si belle, que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir… Je voudrais avoir un confesseur des provinces, ajouta plus bas le bandit.
Il reprit après un silence:
– Je suis d’Elizondo, lui répondis-je en basque, fort ému de l’entendre parler ma langue.
– Moi, je suis d’Etchalar, dit-elle (а я из Этчалара, – сказала она). (C’est un pays à quatre heures de chez nous(это край в четырех часах /пути/ от нас).) J’ai été emmenée par des bohémiens à Séville (в Севилью меня увели цыгане). Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre (я работала на фабрике, чтобы заработать, на что вернуться в Наварру), près de ma pauvre mère qui n’a que moi pour soutien (к моей бедной матери, у которой нет иной поддержки, кроме меня; soutien, m – подпорка; лицо, оказывающее поддержку, опора; soutenir – /прям., перен./ поддерживать) et un petit barratcea13 avec vingt pommiers à cidre (и небольшого сада с двадцатью яблонями для сидра). Ah! si j’étais au pays, devant la montagne blanche (ах, если бы я оказалась в моем краю, под белой горой)! On m’a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous (меня оскорбили, потому что я не из этой страны жуликов; insulte, f – оскорбление), marchands d’oranges pourries (торговцев гнилыми апельсинами; pourrir – гнить); et ces gueuses se sont mises toutes contre moi (и все эти шлюшки восстали против меня; se mettre – ставиться; занять положение; se mettre contre qn – ополчиться на кого-либо), parce que je leur ai dit que tous leurs jacques14 de Séville, avec leurs couteaux (потому что я сказала им, что все их «хаке» из Севильи с их ножами), ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila (не испугали бы нашего парня в синем берете и с макилой). Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse (товарищ, друг мой, вы ничего не сделаете для землячки)?
– Moi, je suis d’Etchalar, dit-elle. (C’est un pays à quatre heures de chez nous.) J’ai été emmenée par des bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre, près de ma pauvre mère qui n’a que moi pour soutien et un petit barratcea avec vingt pommiers à cidre. Ah! si j’étais au pays, devant la montagne blanche! On m’a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous, marchands d’oranges pourries; et ces gueuses se sont mises toutes contre moi, parce que je leur ai dit que tous leurs jacques de Séville, avec leurs couteaux, ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila. Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse?
Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti (она врала, сеньор, она всегда врала; mentir; mensonge, f – ложь). Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité (я не знаю, сказала ли эта девушка хоть одно слово правды в своей жизни; vérité, f; vrai – правдивый); mais quand elle parlait, je la croyais (но, когда она говорила, я верил ей): c’était plus fort que moi (это было сильнее меня). Elle estropiait le basque, et je la crus navarraise (она коверкала баскские слова, а я верил, что она наваррка; estropier – калечить; искажать; basque, m – баскский язык); ses yeux seuls et sa bouche et son teint la disaient bohémienne (/уже/ одни ее глаза, и рот, и цвет лица говорили, что она цыганка: «говорили ее цыганкой»). J’étais fou, je ne faisais plus attention à rien (я сошел с ума, я ни на что уже не обращал внимания; fou – помешанный, безумный). Je pensais que, si des Espagnols s’étaient avisés de mal parler du pays (я думал, что, если бы испанцы вздумали плохо отзываться о моей стране = родине; s’aviser – заметить; вздумать), je leur aurais coupé la figure (я бы порезал = искромсал им лицо), tout comme elle venait de faire à sa camarade (совершенно так же, как и она только что сделала со своей подружкой).
Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité; mais quand elle parlait, je la croyais: c’était plus fort que moi. Elle estropiait le basque, et je la crus navarraise; ses yeux seuls et sa bouche et son teint la disaient bohémienne. J’étais fou, je ne faisais plus attention à rien. Je pensais que, si des Espagnols s’étaient avisés de mal parler du pays, je leur aurais coupé la figure, tout comme elle venait de faire à sa camarade.
Bref, j’étais comme un homme ivre (словом, я был как пьяный); je commençais à dire des bêtises (я начал говорить глупости; bêtise, f; bête – глупый), j’étais tout près d’en faire (я уже был готов их сделать; être près de faire qch – быть готовым сделать что-либо).
– Si je vous poussais, et si vous tombiez, mon pays (если бы я вас толкнула и вы бы упали, земляк), reprit-elle en basque (продолжала она по-баскски), ce ne seraient pas ces deux conscrits de Castillans qui me retiendraient (эти два юных кастильских новобранца не удержали бы меня; conscrit, m – призывник, новобранец; retenir)…
Ma foi, j’oubliai la consigne et tout, et je lui dis (право же, я забыл о приказе и обо всем, и я сказал ей; foi, f – вера; слово, обещание; ma foi – по правде сказать, признаюсь, признаться, право же):
– Eh bien, m’amie, ma payse, essayez (что же, моя милая, землячка моя, пробуйте; m’amie – милая, душенька; моя милая /в обращении/), et que Notre-Dame de la Montagne vous soit en aide (и да поможет вам Пресвятая Богородица горная; Notre-Dame – Богоматерь, Богородица, Дева Мария; montagne, f – гора; aide, f; aider qn – помогать кому-либо)!
Bref, j’étais comme un homme ivre; je commençais à dire des bêtises, j’étais tout près d’en faire.
– Si je vous poussais, et si vous tombiez, mon pays, reprit-elle en basque, ce ne seraient pas ces deux conscrits de Castillans qui me retiendraient…
Ma foi, j’oubliai la consigne et tout, et je lui dis:
– Eh bien, m’amie, ma payse, essayez, et que Notre-Dame de la Montagne vous soit en aide!
En ce moment, nous passions devant une de ces ruelles étroites (в этот момент мы проходили мимо одной из этих узких улочек) comme il y en a tant à Séville (которых так много в Севилье). Tout à coup Carmen se retourne et me lance un coup de poing dans la poitrine (вдруг Кармен оборачивается и ударяет меня кулаком в грудь; lancer – бросать, кидать; poing, m – кулак). Je me laissai tomber exprès à la renverse (я нарочно упал навзничь; renverser – опрокидывать, валить). D’un bond, elle saute par-dessus moi (одним прыжком она перепрыгивает через меня) et se met à courir en nous montrant une paire de jambes (и убегает: «принимается бежать», показывая нам пару ног)!… On dit jambes de Basque (говорят баскские ноги): les siennes en valaient bien d’autres (такие, как у нее, надо было еще поискать: «ее стоили других»; valoir – стоить, представлять ценность)… aussi vite que bien tournées (такие же быстрые, такие же хорошо сложенные = стройные; tourner – вращать; точить на станке; обтачивать). Moi, je me relève aussitôt (я тотчас же поднимаюсь); mais je mets ma lance15 en travers, de façon à barrer la rue (но я держу пику поперек = наперевес, так что загораживаю улицу), si bien que, de prime abord, les camarades furent arrêtés au moment de la poursuite (так что сразу же товарищи оказались задержаны, собравшись в погоню: «в момент преследования»; poursuivre – преследовать; suivre – следовать).