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Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен

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Figurez-vous, monsieur, qu’entré dans la salle je trouve d’abord trois cents femmes en chemise, ou peu s’en faut, toutes criant, hurlant, gesticulant, faisant un vacarme à ne pas entendre Dieu tonner. D’un côté, il y en avait une, les quatre fers en l’air, couverte de sang, avec un X sur la figure qu’on venait de lui marquer en deux coups de couteau. En face de la blessée, que secouraient les meilleures de la bande, je vois Carmen tenue par cinq ou six commères. La femme blessée criait: « Confession! confession! je suis morte! »

Carmen ne disait rien (Кармен ничего не говорила); elle serrait les dents (она стиснула зубы; serrer – сжимать; стискивать), et roulait des yeux comme un caméléon (и вращала глазами, как хамелеон; rouler – катить; вращать). « Qu’est-ce que c’est? » demandai-je (в чем дело, – спросил я). J’eus grand-peine à savoir ce qui s’était passé (с большим трудом я выяснил, что произошло; peine, f – наказание; труд), car toutes les ouvrières me parlaient à la fois (так как все работницы говорили со мной одновременно). Il paraît que la femme blessée s’était vantée d’avoir assez d’argent en poche (оказывается, раненая женщина похвасталась, что у нее достаточно денег в кармане; paraître – показываться; казаться; argent, m – серебро; деньги; poche, f) pour acheter un âne au marché de Triana (чтобы купить осла на рынке Триана). « Tiens, dit Carmen, qui avait une langue (слушай, – сказала Кармен, которая была остра на язык: «имела язык»), tu n’as donc pas assez d’un balai (тебе мало метлы)? »

Carmen ne disait rien; elle serrait les dents, et roulait des yeux comme un caméléon. « Qu’est-ce que c’est? » demandai-je. J’eus grand-peine à savoir ce qui s’était passé, car toutes les ouvrières me parlaient à la fois. Il paraît que la femme blessée s’était vantée d’avoir assez d’argent en poche pour acheter un âne au marché de Triana. « Tiens, dit Carmen, qui avait une langue, tu n’as donc pas assez d’un balai? »

L’autre, blessée du reproche (другая, задетая укором; blessé – раненый; оскорбленный, задетый), peut-être parce qu’elle se sentait véreuse sur l’article (может быть, потому что она чувствовала, что небезвинна в этом деле; véreux – червивый; сомнительный, нечестный; article, m – статья; пункт), lui répond qu’elle ne se connaissait pas en balais (она ответила, что не разбирается в метлах; se connaître – быть знакомым; быть знатоком), n’ayant pas l’honneur d’être bohémienne ni filleule de Satan (не имея чести быть цыганкой, ни крестной дочерью Сатаны), mais que mademoiselle Carmencita ferait bientôt connaissance avec son âne (но что сеньорита Карменсита познакомится скоро с ее ослом), quand M. le corrégidor la mènerait à la promenade (когда господин коррехидор повезет ее на прогулку) avec deux laquais par-derrière pour l’émoucher (с двумя лакеями позади, чтобы отгонять мух). « Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue (что ж, а я, – сказала Кармен, – я сделаю тебе водопой для мух на щеке; abreuvoir, m – водопой; abreuver – поить /животных/; mouche, f), et je veux y peindre un damier11 (и разрисую их как шахматную доску). » Là-dessus, vli-vlan (и тут же, чик-чик; vlan! – трах!; бац!; чик!)! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares (ножом, которым она отрезала кончики сигар, она начинает), à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure (рисовать ей андреевские кресты на лице).

L’autre, blessée du reproche, peut-être parce qu’elle se sentait véreuse sur l’article, lui répond qu’elle ne se connaissait pas en balais, n’ayant pas l’honneur d’être bohémienne ni filleule de Satan, mais que mademoiselle Carmencita ferait bientôt connaissance avec son âne, quand M. le corrégidor la mènerait à la promenade avec deux laquais par-derrière pour l’émoucher. « Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue, et je veux y peindre un damier. » Là-dessus, vli-vlan! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure.

Le cas était clair; je pris Carmen par le bras (случай был ясным, я взял Кармен за руку; cas, m – случай; дело; clair – светлый; понятный, ясный): « Ma sœur, lui dis-je poliment, il faut me suivre. » (сестрица, – сказал я ей вежливо, – идемте за мной: «нужно идти за мной») Elle me lança un regard comme si elle me reconnaissait (она бросила на меня взгляд, словно она узнала меня; reconnaître); mais elle dit d’un air résigné (но она сказала с покорным видом; se résigner – смиряться, безропотно покоряться): « Marchons (идем). Où est ma mantille (где моя мантилья)? » Elle la mit sur sa tête (она надела ее на голову; mettre – ставить, помещать; надевать) de façon à ne montrer qu’un seul de ses grands yeux (так, что виден был лишь один ее большой глаз), et suivit mes deux hommes, douce comme un mouton (и пошла за моими двумя людьми, кроткая как ягненок; doux – сладкий; податливый, кроткий; doux comme un agneau, doux comme un mouton – кроткий как ягненок). Arrivés au corps de garde, le maréchal des logis dit que c’était grave (когда мы пришли в караульное помещение, вахмистр сказал, что /случай/ серьезный), et qu’il fallait la mener à la prison (и что нужно отвести ее в тюрьму).

Le cas était clair; je pris Carmen par le bras: « Ma sœur, lui dis-je poliment, il faut me suivre. » Elle me lança un regard comme si elle me reconnaissait; mais elle dit d’un air résigné: « Marchons. Où est ma mantille? » Elle la mit sur sa tête de façon à ne montrer qu’un seul de ses grands yeux, et suivit mes deux hommes, douce comme un mouton. Arrivés au corps de garde, le maréchal des logis dit que c’était grave, et qu’il fallait la mener à la prison.

C’était encore moi qui devais la conduire (и опять именно я должен был ее сопровождать). Je la mis entre deux dragons (я поместил ее между двумя драгунами), et je marchais derrière comme un brigadier doit faire en semblable rencontre (и шел позади, как должен делать ефрейтор в подобных случаях; rencontre, f – встреча; случайное обстоятельство, случай). Nous nous mîmes en route pour la ville (мы отправились в город; se mettre en route – отправиться в путь). D’abord la bohémienne avait gardé le silence (сначала цыганка хранила молчание; garder – охранять; хранить); mais dans la rue du Serpent (но на Змеиной улице; serpent, m – змея), – vous la connaissez, elle mérite bien son nom par les détours qu’elle fait (вы ее знаете, она заслуживает свое название из-за поворотов, которые она образует), – dans la rue du Serpent, elle commence par laisser tomber sa mantille sur ses épaules (на Змеиной улице она начинает с того, что опускает свою мантилью на плечи), afin de me montrer son minois enjôleur (чтобы показать мне свое соблазнительное миловидное личико; minois, m – миловидное личико, рожица, мордочка, мордашка; enjôler – /разг./ обольщать; завлекать), et, se tournant vers moi autant qu’elle pouvait, elle me dit (и, оборачиваясь ко мне настолько, насколько она может, она говорит мне):

– Mon officier, où me menez-vous (офицер, куда вы меня ведете)?

C’était encore moi qui devais la conduire. Je la mis entre deux dragons, et je marchais derrière comme un brigadier doit faire en semblable rencontre. Nous nous mîmes en route pour la ville. D’abord la bohémienne avait gardé le silence; mais dans la rue du Serpent, – vous la connaissez, elle mérite bien son nom par les détours qu’elle fait, – dans la rue du Serpent, elle commence par laisser tomber sa mantille sur ses épaules, afin de me montrer son minois enjôleur, et, se tournant vers moi autant qu’elle pouvait, elle me dit:

– Mon officier, où me menez-vous?

– À la prison, ma pauvre enfant (в тюрьму, мое бедное дитя), lui répondis-je le plus doucement que je pus (ответил я ей, как можно более ласково; doucement – тихо; мягко, ласково), comme un bon soldat doit parler à un prisonnier, surtout à une femme (как хороший солдат и должен разговаривать с узником, особенно с женщиной).

– Hélas! que deviendrai-je (ах, что со мной станет; devenir)? Seigneur officier, ayez pitié de moi (сеньор офицер, имейте жалость ко мне = сжальтесь надо мной; pitié, f). Vous êtes si jeune, si gentil (вы такой молодой, такой добрый; gentil, m – милый; добрый)… Puis, d’un ton plus bas (затем, понизив голос: «тоном ниже»): Laissez-moi m’échapper, dit-elle (дайте мне сбежать, – сказала она), je vous donnerai un morceau de la bar lachi (я дам вам кусочек «бар лачи»), qui vous fera aimer de toutes les femmes (и все женщины будут любить вас: «который сделает вас любимым всеми женщинами»).

– À la prison, ma pauvre enfant, lui répondis-je le plus doucement que je pus, comme un bon soldat doit parler à un prisonnier, surtout à une femme.

– Hélas! que deviendrai-je? Seigneur officier, ayez pitié de moi. Vous êtes si jeune, si gentil… Puis, d’un ton plus bas: Laissez-moi m’échapper, dit-elle, je vous donnerai un morceau de la bar lachi, qui vous fera aimer de toutes les femmes.

La bar lachi, monsieur, c’est la pierre d’aimant («бар лачи», сеньор, это магнитная руда; pierre, f – камень; aimant, m – магнит), avec laquelle les bohémiens prétendent qu’on fait quantité de sortilèges (при помощи которого, как утверждают цыгане, можно совершать разные колдовства; quantité, f – количество; масса; sortilège, m) quand on sait s’en servir (если уметь им пользоваться). Faites-en boire à une femme une pincée râpée dans un verre de vin blanc (дайте выпить женщине щепотку в стакане белого вина; râper – тереть на терке), elle ne résiste plus (она не сможет устоять: «она больше не будет сопротивляться»).

Moi, je lui répondis le plus sérieusement que je pus (я ответил ей насколько можно серьезнее: «наиболее серьезно, как смог»):

– Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes (мы здесь не для того, чтобы говорить вздор; baliverne, f); il faut aller à la prison, c’est la consigne (нужно идти в тюрьму, это приказ; consigne, f – инструкция; приказание), et il n’y a pas de remède (и тут ничем помочь нельзя: «и нет средств»; remède, m – лекарство; средство).

La bar lachi, monsieur, c’est la pierre d’aimant, avec laquelle les bohémiens prétendent qu’on fait quantité de sortilèges quand on sait s’en servir. Faites-en boire à une femme une pincée râpée dans un verre de vin blanc, elle ne résiste plus.

Moi, je lui répondis le plus sérieusement que je pus:

– Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes; il faut aller à la prison, c’est la consigne, et il n’y a pas de remède.

Nous autres gens du pays basque (у нас, людей из страны басков), nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols (у нас имеется акцент, который легко узнается испанцами); en revanche il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona12 (зато из них нет ни одного, кто бы мог научиться говорить хотя бы baï, jaona). Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces (поэтому Кармен было нетрудно догадаться, что я был родом из Провинций; peine, f – наказание; труд; трудность). Vous saurez que les bohémiens, monsieur, comme n’étant d’aucun pays, voyageant toujours (вы, вероятно, знаете, сеньор, что цыгане, не принадлежа ни к какой стране, все время путешествуют = кочуют), parlent toutes les langues (говорят на всех языках), et la plupart sont chez eux en Portugal, en France, dans les provinces, en Catalogne, partout (и большинство их /чувствует себя/ дома и в Португалии, и во Франции, и в Провинциях, и в Каталонии, повсюду); même avec les Maures et les Anglais, ils se font entendre (они умеют объясниться даже с маврами и с англичанами; se faire entendre – добиться понимания, найти общий язык с кем-либо; хорошо объясняться). Carmen savait assez bien le basque (Кармен знала достаточно хорошо баскский язык).

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