Константин Бальмонт - Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française [билингва ru-fr]
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Je me souviens, ô Feu!
Comme tu me brûlas,
Parmi les Sorcières qui frissonnaient des caresses de Toi.
On nous tourmentait parce que nous avons pénétré le Mystère!
On nous brûlait pour la joie du Sabbat de minuit:
Mais, pour ceux qui ont vu ce que nous avions vu,
Le Feu n'a pas d'épouvantes!
Et je me souviens encore!
Oh! je me souviens d'autre chose: des édifices flambants
Où se donnaient au Feu, volontairement, dans la nuit sourde,
Entourés d'infidèles qui ne voient pas, les Fidèles, qui étaient nous!
Et, aux sons des prières, avec des cris de transport
Nous chantions nos louanges au Donneur des Forces!…
Je me souviens, ô Feu! et dès lors je t'ai aimé!
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Je sais, ô Feu!
Qu'il est encore pour nous, un autre éclat de la lumière,
Et qui brûle au regard des yeux à jamais éteints!
Lui, il recèle la science subite. En lui sont la Terreur, et le délice,
Devant la nouveauté incommensurable des Espaces…
Les Espaces? Qui, de Lui-même les a tirés! Et d'où?
Et pourquoi?
Qui les a revêtus d'ornements innombrablement étoilés?
Je partirai pour avoir la réponse…
O âme de l'élément montant,
qui t'élances dans les cieux,
Je veux, que d'une lumière blanche et inextinguible
S'allume pour moi — la Mort!
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Лунное безмолвие/Le silence lunaire
В лесу безмолвие возникло от Луны,
Но внятно чудится дрожание струны,
И свет властительный нисходит с вышины.
Какая сонная над лесом красота,
Как четко видится мельчайшая черта,
Как стынет скованно вон та сосна и та.
Воздушно-белые недвижны облака,
Зеркально-царственна холодная река,
И даль небесная во влаге глубока.
Непрерываемо дрожание струны,
Ненарушаема воздушность тишины,
Неисчерпаемо влияние Луны.
Dans la forêt le silence gagna sous l'apparition de la Lune, —
Mais il semble qu'on entende sensiblement la vibration d'une corde,
Et la lumière impérieuse descend des hauteurs.
Au-dessus de la forêt, quelle beauté endormie!
Combien nettement se distingue le moindre trait.
Et combien rapidement s'immobilise ce pin, et cet autre.
Immuables sont les nuages blancs, — aériens…
Reine aux froideurs de miroir, la rivière, —
Et le lointain céleste est profond dans l'humide.
Ininterrompue, la vibration de corde, —
Inviolable, la sublimité du silence, —
Inépuisables, les puissances de la Lune!
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Влага/Sur l'eau
С лодки скользнуло весло.
Ласково млеет прохлада.
«Милый! Мой милый!» — Светло,
Сладко от беглого взгляда.
Лебедь уплыл в полумглу,
Вдаль, под луною белея.
Ластятся волны к веслу,
Ластится к влаге лилея.
Слухом невольно ловлю
Лепет зеркального лона.
«Милый! Мой милый! Люблю!..»
Полночь глядит с небосклона.
De la nef, glissa la rame.
Caressante, pâme la fraîcheur.
«Cher, ô mon cher!», — Radieux
Et doux, me voici sous le regard fugitif.
Le cygne a nagé vers la pénombre,
Là-bas, alors qu'il blanchissait sous la lune.
Les moires d'eau câlinent la rame,
Le lys câline l'onde.
Mon ouïe, sans que j'écoute, saisit
Que balbutie l'aime étendue, en seul miroir.
«Cher! ô mon cher! Je t'aime!»…
Minuit, de l'horizon regarde.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Дождь/La pluie
В углу шуршали мыши,
Весь дом застыл во сне.
Шел дождь, и капли с крыши
Стекали по стене.
Шел дождь, ленивый, вялый,
И маятник стучал,
И я душой усталой
Себя не различал.
Я слился с этой сонной
Тяжелой тишиной.
Забытый, обделенный,
Я весь был тьмой ночной.
А бодрый, как могильщик,
Во мне тревожа мрак,
В стене жучок-точильщик
Твердил: «Тик-так. Тик-так».
Равняя звуки точкам,
Началу всех начал,
Он тонким молоточком
Стучал, стучал, стучал.
И атомы напева,
Сплетаясь в тишине,
Спокойно и без гнева
«Умри» твердили мне.
…И мертвый, бездыханный,
Как труп задутых свеч,
Я слушал в скорби странной
Вещательную речь.
И тише кто-то, тише,
Шептался обо мне.
И капли с темной крыши
Стекали по стене.
Dans un coin les souris musaient, furtives…
Toute la maison se contint dans le sommeil.
La pluie allait, et les gouttes tombant du toit
Coulaient au long des murs.
La pluie allait, paresseuse et lente,
Et battait le balancier…
Et moi, l'âme très lasse,
Je ne m'appartenais plus moi-même.
Je n'étais plus que confluant avec ce somnolent,
Avec ce lourd silence…
Oublié, et de ma propre place frustré,
J'étais, toute entière, la nocturne ténèbre.
Alerte comme un fossoyeur,
Avivant en moi la nuit noire,
Dans le mur le scarabée-rongeur
Insistait: «Tic-tac, — tic-tac»…
Égalant les sons à des points, —
Au point, cette origine des origines! —
D'un tout fin marteau
Il tapait, tapait, il tapait.
Et les atomes de la mélodie
S'entrelaçant dans le silence,
Tranquillement et sans colère:
«Meurs!» — me répétaient-ils, — «Meurs!»
Et mort, et sans haleine,
D'une mort de cierges éteints, —
J'écoutais, en une tristesse étrange,
Cela, qui annonçait!
Et plus doucement, Quelqu'un, plus doucement
Chuchotait de moi, quelque chose…
Et du sombre toit, les gouttes
Longuement, coulaient au long des murs.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Завет бытия/Je demandais au libre vent des plaines…
Я спросил у свободного ветра,
Что мне сделать, чтоб быть молодым.
Мне ответил играющий ветер:
«Будь воздушным, как ветер, как дым!»
Я спросил у могучего моря,
В чем великий завет бытия.
Мне ответило звучное море:
«Будь всегда полнозвучным, как я!»
Я спросил у высокого солнца,
Как мне вспыхнуть светлее зари.
Ничего не ответило солнце,
Но душа услыхала: «Гори!»
Je demandais au libre vent des plaines:
«Pour être jeune, ô vent, dis, que faut-il?
― Ainsi que moi, sois léger et subtil»,
Répondit-il d'une voix presque humaine.
Je demandais à la puissante mer
De m'expliquer le mystère du monde;
Sa grande voix me répondit, profonde:
«Ainsi que moi, sois sonore et divers.»
Je demandais à l'astre de lumière:
«Pour réchauffer les êtres, ô soleil,
Pour rayonner, dis-moi, que dois-je faire?»
J'entendis: «Brûle, et nous serons pareils!»
Traduit par Katia Granoff
Я — изысканность русской медлительной речи/Le vers original…
Я — изысканность русской медлительной речи,
Предо мною другие поэты — предтечи,
Я впервые открыл в этой речи уклоны,
Перепевные, гневные, нежные звоны.
Я — внезапный излом,
Я — играющий гром,
Я — прозрачный ручей,
Я — для всех и ничей.
Переплеск многопенный, разорванно-слитный,
Самоцветные камни земли самобытной,
Переклички лесные зеленого мая —
Всё пойму, всё возьму, у других отнимая.
Вечно юный, как сон,
Сильный тем, что влюблен
И в себя и в других,
Я — изысканный стих.
Je suis le Vers nouveau de la Parole russe,
Langoureuse. Je vais par devant tous les autres
Mes précurseurs. J'ai découvert les souples courbes,
Les échos chantants, les carillons courroucés
Ou tendres. Moi premier dans la Parole russe,
Je suis une soudaine inflexion; je suis
Une fontaine transparente;
Je suis un tonnerre qui joue;
Je suis à tous et à personne;
Je suis un écumeux jaillissement de gemmes,
Provenant d'un pays encore inexploré;
Je suis un jet uni, entrecoupé de voix;
De la forêt je suis la verdure d'avril:
J'accaparerai tout, deshéritant les autres.
Fraternelles jeune, tel un songe, et plein
Du sentiment de ma puissance,
Autant que de l'amour des autres;
Je suis un vers original…
Traduit par Philéas Lebesgue
Слова — хамелеоны/Les mots caméléons
Слова — хамелеоны,
Они живут спеша.
У них свои законы,
Особая душа.
Они спешат меняться,
Являя все цвета,
Поблекнут, обновятся,
И в том их красота.
Все радужные краски,
Все, что чарует взгляд,
Желая вечной сказки,
Они в себе таят.
И сказка длится, длится,
И нарушает плен.
Как сладко измениться,
Живите для измен!
Les mots, caméléons,
Ne vivent que d'instants;
Ils possèdent leurs lois,
Leur personnelle âme.
En hâte ils sont autres,
Affectent mille teintes,
Brillent, se renouvellent:
C'est lа leur beauté.
Tout, les couleurs d'iris,
Tout ce qui charme l'œil,
Pour fleurir éternel,
Les mots l'ont en eux.
Leur chant qui se prolonge
Rompt soudain nos entraves;
S'il est doux de changer,
Vis de changement.
Traduit par Jean Chuzeville