Юрий Малинин - Франция в эпоху позднего средневековья. Материалы научного наследия
Главным же в дворянской этике станет понятие чести. Оно представляло собой наиболее чувствительный нерв дворянской психологии, и поэтому любое покушение на нее требовало непременной ее защиты, вызова на дуэль. Рыцари дуэлей не знали, у них были поединки, во время которых стремились проявить свою доблесть, но, как правило, отнюдь не жаждали крови соперника. Защита же чести требовала крови, и поэтому эпидемия дуэлей, продолжавшаяся несколько столетий, несмотря на попытки государственных властей приостановить ее, унесла много жизней, которые были жертвоприношениями на алтарь чести.
По словам русского философа Н.А. Бердяева («Философия неравенства»), в западном рыцарстве «выковывалась личность, создавался закал характера. Чувство чести у современного человека, в современном буржуазном мире идет от преданий рыцарства. Рыцарство выработало высший тип человека. В рыцарстве была временная и тленная историческая оболочка, от которой ничего уже не осталось. Много темного было связано с этой оболочкой. Но в рыцарстве есть и вечное, неумирающее начало. И окончательная смерть рыцарского духа была бы деградацией типа человека».
La tradition de la pensée éthique et l'idée de la nature dans les lettres françaises du XIVe et XV siècles[5]
La pensée sociale du moyen âge était éthique quant à son fond grâce à une prédominante de la chrétienté. Elle se basait sur la morale chrétienne et ses catégories déterminaient le sens de l'existance humaine aussi bien que l'essence des rapports sociaux et le rôle de l'Etat. La raison finale de toute recherche scientifique aboutissait à la connaissance de la loi divine et au perfectionnement de soi-même, l'éthique, d'après Roger Bacon, étant «directrice et reine des toutes les autres sciences». L'homme et sa vie correspondaient immédiatement avec Dieu et la récompence posthume, aussi l'homme n'avait-il pas de but plus élevé que le salut de l'âme. On ne pouvait atteindre ce but autrement que par l'ascension vers le perfectionnement de soi-même et à l'aide du libre arbitre et de la grâce de Dieu.
La structure parfaite de l'Etat conçu au moyen âge comme règne de justice, de paix et d'ordre, n'était possible qu'avec des hommes vertueux? Car si les hommes vivaient selon les commandements chrétiens, les querelles, les guerres et autres maux sociaux deviendraient impossibles.
Ainsi l'éthique dont les conceptions pénétraient toute la pensée humaine, a-t-elle acquis une valeur absolue et, par là, la pensée ellemême est devenue nettement dualiste. Conformément à la structure antithétique de la morale, celle-ci était orientée vers les notions du bien et du mal, du vice et de la vertu; le choix entre ces deux voies, que ce soit sur le plan de la vie individuelle ou de la vie sociale, était réservé à l'action libre de l'homme.
La pensée traditionnelle de la morale chrétienne a donné naissance à une conception nette de l'homme qui consiste en corps périssable enclin au vice, et en âme immortelle tendue vers Dieu. Elle avait une vue claire de la vie qui était soit la voie du péché, soit celle de la vertu. Mais ces netteté et clarté de la pensée éthique étaient troublées par l'idée de la Nature qui, dès le XII siècle, commençait à s'enraciner dans la conscience de masses.
Le courant d'idées, appelé naturalisme dans la culture française et la culture occidentale en général, qui a apporté une conception nouvelle de la nature en tant qu'essence autonome par rapport à Dieu et qui prédestinait toute la vie sur terre, est né et s'est développé sous l'influence de l'héritage antique. C'est aux philosophes de la célèbre école de Chartres qu'on est redevable en France pour un grand apport dans le développement de l'idée de la nature. Leurs conceptions à son égard reçoivent une forme expressive dans le «De planctu naturae» d'Alain de Lille, ouvrage bien connu à l'époque. La Nature y apparaît comme disciple de Dieu qui le représente et tient lieu de médiatrice entre lui et les homme. En incarnant le bien divin, elle est bonne par essence. Ainsi doit-on obéir irrévocablement à tous ses impératifs.
C'est la deuxième partie du «Roman de la Rose» de Jean de Me-ung qui a joué un grand rôle dans la diffusion des idées naturalistes. Dans cette oeuvre qui eut un grand succès au XIV et au XV siècles, la nature et sa loi triomphent sur toutes les conventions courtoises des sentiments et rapports humains. Pourtant pour Jean de Meung la loi de la nature qu'on doit observer, c'est celle de l'amour charnel et non la loi moral, comme chez Alain de Lille.{540} Plus tard, au cours du XIV et XV siècles, ces deux conceptions de la nature et de sa loi ont eu un développement dans les lettres françaises.
La pensée traditionnelle chrétienne aspirait pour ainsi dire à absorber l'idée de la nature, en présentant celle-ci en tant que porteuse de la loi morale divine. Une interprétation pareille de la nature s'est enracinée relativement profondément dans les lettres et la pensée sociale de la France. Le développement de la théorie de la loi naturelle à la même époque y a beaucoup contribué, parce qu'on l'a interprétée souvent comme la loi morale. La responsabilité pour les péchés humains, l'inégalité et l'inéquité existantes, tout cela a été rejeté sur le péché originel. La nature, elle, semblait une fortresse inébranlable du bien. Et si les hommes obéissaient à ses impératifs, à sa loi, la vie serait parfaite puisque ses impératifs ne sont pas différants des commandements de Dieu.
Philippe de Mézières, écrivain de la deuxième moitié du XIV siècle, dans «Le songe du vieil pèlerin» donne une illustration impressionnant de cette conception de la loi de nature. Il y ébauche un tableau de la société vivant selon cette loi quelque part «en Inde la Majeure à la terre des Bragamains». «C'est ung pays la ou les hommes sont d'une singulière condicion moult estrange des toutes les autres de ce monde. Car descce que le pays fut habite, les hommes et les femmes tiennent a la lectre la loy de nature. Ils vivent en commun, ne en tout le pays n'a ung tout seul pauvre… Ils n'ont point de monnoye, ne ils n'acontent riens a or ne a argent. En cellui pays n'a nuls larrons, ne ilz ne se guerroyent point l'un l'autre. Hz n'ont entr'eux ne plaitz ne riotes de débats. Et autres plus grands conditions de merveilleuses vertuz, lesquelles je passe pour cause de briefvete». Pour conclure la description de cette société utopique, l'auteur remarque encore une fois qu'elle vit «très honnestement selon la loy de nature, et fait chascun a l'autre a son plain pouvoir tout ce qu'il vouldroit que on lui feist. Avarice, orgueil et luxure ilz ont en abhomination. De la mort font pou de compte et adourent un seul dieu tout puissant».{541} En expliquant le principe de la loi naturelle il en donne un de la justice chrétienne.
L'image de le nature comme une source de la morale ou bien de la loi divine sous toutes ses formes de manifestations, était propre non seulement à la littérature savante. Elle a aussi pénétré dans la conscience de masse. Comme témoignage on trouve l'emploi assez répandu dans le français de l'époque de l'adverbe «naturellement», se servant souvent de mot d'introduction tout comme dans les langues modernes. «Naturellement» veut dire selon la nature, selon le cours naturel des choses, c'est-à-dire sûrement et incontestablement, car la nature est parfaite, elle incarne le bien absolu de la loi. En même temps la langue adopte la notion «contre nature» qui était employée pour désigner tout ce qui est mauvais, amoral. Tout mal étant considéré incompatible avec nature, on pouvait donc appeler le diable «ennemi de nature».{542}
Pourtant, malgré tous les efforts évidents et non sans résultats de la pensée éthique traditionnelle d'expliquer la nouvelle idée de la nature en l'adaptant à ses fins, il était impossible de mettre en accord complet la conception «nature-bien absolu» avec les valeurs chrétiennes. La justification des besoins naturels de l'homme, avant tout celui de procréer, entrainait un regard nouveau inévitable sur l'homme, une remise en question des péchés et des vertus. Il est significatif que dès le XII siècle le célibat du clergé comme contredisant la loi de la nature, devient l'objet d'une critique violente. C'est à la demonstration du fait que le célibat est contre nature que Alain de Lille consacre son «De planctu naturae». En même temps la conception que l'amour charnel est de caractère bénéfique reçoit des arguments supplémentaires grâce à la propagation de la conviction que la loi naturelle est bien faisante.
La notion de la nature humaine ayant acquis une correlation directe avec l'idée de la loi naturelle s'est compliquée avec la perte de la clarté représentative et de la simplicité qu'elle avait possédée lors de l'approche traditionnelle. La chair, création immédiate de la Nature, ne pouvait plus être considérée en tant que récipient des vices. L'origine matérielle dans l'homme emprunterait de cette source, Nature, un peu de sa grâce, et les vertus cesseraient de paraître exclusivement d'origine spirituelle, accessibles par la force de la foi et de la volonté.
Ce n'est pas par hazard qu'à cette époque commence à se former la conviction que la morale humaine est prédestinée par le facteurs naturels et physiques. Et c'est à cette conviction qu'est lié le développement de la notion des caractères nationaux qui se manifestent dans les penchants naturels des individus de telle nation pour tels vertus ou vices.
En ce qui concerne les auteurs français, ils cherchaient à démontrer, pour des raisons compréhensible, que la Nature était surtout favorable pour les habitants de la France. C'est ainsi que Pierre Dubois estimait que «causante celestis harmonie benevolencia, generati, nati et nutriti in regno Francorum, presertim prope Parisius, in moribus, constantia, fortitudine et pulchritudine, natos in aliis regionibus nat-uraliter plurimum precellunt».{543}
Au XIV siècle on a commencé à expliquer les caractères nationaux par les influences climatiques. A la même époque les auteurs français ont repris les idées antiques sur les tempéraments humains qui seraient déterminés par les causes naturelles et, à leur tour, seraient à l'origine de tel penchant de l'homme correspondant à tel caractère de l'âme. La théorie des tempéraments s'entrelaçait souvent avec celle des caractères nationaux. Par exemple Philippe de Commynes remarquait, en comparant les Anglais avec les Français, que «naturellement les Angloys sont fort colériques: si sont toutes les nations de païs froit… Nous [les français] tenons de la region chaulde et aussi de la froide, pour quoy avons gens de deux complexions; mais mon avis est que en tout le monde n'y a region myaulx située que celle de France».{544}
S'est aussi largement répendu une espèce de science qui s'occupait de l'interprétation des liens entre les caractères de l'âme et les données physiques de l'homme, telles que couleurs des yeux, des cheveux etc. Cette science se basait sur la conviction que les caractères moraux non seulement se traduisent dans les caractères physiques, mais qu'ils sont déterminée par ces derniers.
A cet effet «Le Calendrier des bergers» présente un grand intérêt; cet almanach célèbre, publié à plusieurs reprises, contient nombre de renseignements sur les domaines les plus divers. Entre autres il comporte de longues caractéristiques des quatre tempéraments suivis de la physiognomie détaillée avec des notes abondantes et précises sur la correspondance existant entre toutes les qualités physiques imaginables de l'homme et ses vices et vertus. Cette partie de l'almanach est conclue par le raisonnement que l'homme est la création de Dieu la plus parfaite parce «qu'il n'est condition ne manière en nulle beste qui ne soit trouvée en l'homme». «Le Calendrier» classe parmi ces conditions ou qualités le courage de lion, la prudence de l'ange, la largesse du coq, mais aussi la cupidité du chien, la perfidie du léopard, la paresse de l'âne etc. C'est par cette raison que l'homme «est appelé le petit monde; car, comme il est, il participe a la condition de toutes creatures».{545} Derrière tout ce raisonnement on perçoit la conviction que les vertus et les vices sont propres à la nature, dont naturellement propres à l'homme, qui possède les qualités de toutes les créatures de Dieu.
Bien que du point de vue de la morale strictement chrétienne les vices restent toujours les vices dont on doit se libérer à l'aide de la raison, la volonté et la grâce, les conceptions naturalistes inspiraient une vue plus harmonieuse de l'homme, une vue libre d'un dualisme trop rigoreux, et une attitude plus tolérante à l'égard des vices, du moment qu'ils sont propres à l'homme par nature. La vie ne se présentait plus seulement en noir et blanc, couleurs du mal et du bien, et on pouvait désormais se représenter une troisième voie dans la vie, moyenne, comme, par exemple, dans le cas de Ph. de Commynes: «Mais a parler naturellement, comme home qui n'a aucune literature mais quelque peu d'esperience, ne l'eust il point myeulx vallu… eslire le moyen chemyn en ces choses, c'est assavoir moins se soucier, et moins se travailler, et entreprendre moins de choses; plus craindre a offencer Dieu., et prendre plus des aises et plaisirs honnestes?»{546} Des raisonnements pareils n'étaient pas caractéristiques pour les auteurs à des points de vue étiques traditionnels, ceux-ci sachant bien qu'on devait vivre de manière à avoir en vue avant tout ses obligations morales devant Dieu. Ils n'admettaient pas «le moyen chemin», puisqu'il n'y en avait pour eux que deux — celui de vertu et celui de vice.
Ce regard nouveau sur la nature humaine avait des conséquences importantes pour le développement des nouvelles idées sociales et politiques. Si ces dernières partaient de la foi en la possibilité du perfectionnement moral et s'efforçaient d'assurer la perfection, seule apte à établir la justice, la paix et l'ordre dans le monde, par contre, à partir du XIV siècle cette foi a commencé à tarir. Il vient à sa place une conception naturaliste quant à son fond sur l'impossibilité pour la plupart des hommes d'atteindre la perfection morale et sur le caractère naturel des contradictions et des luttes dans la société. Ainsi Honoré de Bouvet, auteur d'un traité sur le droit de guerre intitulé «L'arbre des batailles», en étudiant la question des causes de guerres et de la possibilité de l'existence pacifique, affirme que la lutte, la guerre sont propres à toute la nature, aux corps célestes, aux éléments, aux hommes et par conséquent, une paix stable est inaccesible, car elle contredit la loi naturelle. En transférant cette question sur le plan des conceptions morales traditionnelles, il remarque que l'homme peut surmonter son penchant naturel à la querelle dû à la chair, à l'aide de la foi et de la raison, mais les hommes sages sont trop peu nombreux, alors que les fous sont légion.{547}