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Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен

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Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait, à travers la grille. J’entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos; parfois j’apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour. Puis j’entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses qui me faisaient monter le rouge à la figure. Ce qu’elle répondait, je n’en savais rien.

C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon (я думаю, что именно в этот день я полюбил ее всерьез; pour tout de bon – в самом деле; всерьез); car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio (так как три-четыре раза мне приходила мысль войти в патио), et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes (и ударить саблей в живот всех этих хлыщей, которые флиртовали с ней; conter fleurettes – ухаживать, флиртовать; fleurette, f – /уст./ цветочек; комплимент). Mon supplice dura une bonne heure (моя пытка длилась добрый час; supplice, m – казнь; мучение, пытка; supplicier – предать казни; мучить, пытать); puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena (потом цыгане вышли, и коляска увезла их). Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez (Кармен, проходя мимо, посмотрела снова на меня своими глазами, которые вы знаете), et me dit très bas (и сказала мне очень тихо):

– Pays, quand on aime la bonne friture (земляк, когда любят вкусную жареную рыбу; friture, f – жаренье; жареная рыба), on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia (идут поесть ее в Триану, к Лильяс Пастиа).

C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon; car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio, et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes. Mon supplice dura une bonne heure; puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena. Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez, et me dit très bas:

– Pays, quand on aime la bonne friture, on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia.

Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture (легкая как козочка, она запрыгнула в коляску; cabri, m – козленок; s’élancer – бросаться вперед; кинуться), le cocher fouetta ses mules (кучер стегнул своих мулов; fouetter – хлестать, стегать, сечь; подстегивать; fouet, m – хлыст, кнут, бич), et toute la bande joyeuse s’en alla je ne sais où (и вся веселая компания укатила куда-та; bande, f – шайка, банда).

Vous devinez bien qu’en descendant ma garde j’allai à Triana (вы догадываетесь, что, сменившись с караула, я отправился в Триану); mais d’abord je me fis raser et je me brossai (но сначала я побрился и причесался; se raser – бриться /самому/; se faire raser – бриться /у кого-то/) comme pour un jour de parade (как на парад; parade, f). Elle était chez Lillas Pastia (она была у Лильяс Пастиа), un vieux marchand de friture (старого торговца жареной рыбой; frire – жарить /в масле/), bohémien, noir comme un Maure (цыгана, черного как мавр), chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit (к которому многие горожане приходили поесть жареной рыбы), surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers (особенно, я думаю, с тех пор как Кармен поселилась там; prendre ses quartiers – располагаться на постой; обосноваться, снять помещение; quartier, m – четвертая часть; квартал; жилище).

Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture, le cocher fouetta ses mules, et toute la bande joyeuse s’en alla je ne sais où.

Vous devinez bien qu’en descendant ma garde j’allai à Triana; mais d’abord je me fis raser et je me brossai comme pour un jour de parade. Elle était chez Lillas Pastia, un vieux marchand de friture, bohémien, noir comme un Maure, chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit, surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers.

– Lillas, dit-elle sitôt qu’elle me vit (Лильяс, – сказала она, как только увидела меня), je ne fais plus rien de la journée (сегодня я больше ничего не делаю). Demain il fera jour19 (оставим дело на завтра)! Allons, pays, allons nous promener (идем, земляк, идем гулять).

Elle mit sa mantille devant son nez (она надела свою мантилью у него под носом), et nous voilà dans la rue, sans savoir où j’allais (и вот мы на улице, причем я не знал, куда я иду).

– Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j’ai à vous remercier d’un présent (сеньорита, – сказал я ей, – я думаю, что должен поблагодарить вас за подарок) que vous m’avez envoyé quand j’étais en prison (который вы послали мне, когда я был в тюрьме). J’ai mangé le pain (я съел хлеб); la lime me servira pour affiler ma lance (напильник послужит мне, чтобы точить мою пику), et je la garde comme souvenir de vous (и я храню его как воспоминание о вас); mais l’argent, le voilà (но деньги, вот они).

– Lillas, dit-elle sitôt qu’elle me vit, je ne fais plus rien de la journée. Demain il fera jour! Allons, pays, allons nous promener.

Elle mit sa mantille devant son nez, et nous voilà dans la rue, sans savoir où j’allais.

– Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j’ai à vous remercier d’un présent que vous m’avez envoyé quand j’étais en prison. J’ai mangé le pain; la lime me servira pour affiler ma lance, et je la garde comme souvenir de vous; mais l’argent, le voilà.

– Tiens! Il a gardé l’argent (надо же, он сохранил деньги), s’écria-t-elle en éclatant de rire (воскликнула она, хохоча; éclater – лопнуть; разразиться). Au reste, tant mieux (впрочем, тем лучше), car je ne suis guère en fonds (так как у меня совсем нет средств; être en fonds – быть при деньгах, иметь средства); mais qu’importe (но не все ли равно)? chien qui chemine ne meurt pas de famine20 (собака, которая идет, не умрет от голода; mourir). Allons, mangeons tout (давай проедим все). Tu me régales (ты меня угощаешь).

Nous avions repris le chemin de Séville (мы вернулись в Севилью: «снова отправились в путь на Севилью»). À l’entrée de la rue du Serpent, elle acheta une douzaine d’oranges (в начале Змеиной улицы, она купила дюжину апельсинов; entrée, f – вход, въезд /место/; начало), qu’elle me fit mettre dans mon mouchoir (которые она велела мне положить = завернуть в мой платок).

– Tiens! Il a gardé l’argent, s’écria-t-elle en éclatant de rire. Au reste, tant mieux, car je ne suis guère en fonds; mais qu’importe? chien qui chemine ne meurt pas de famine. Allons, mangeons tout. Tu me régales.

Nous avions repris le chemin de Séville. À l’entrée de la rue du Serpent, elle acheta une douzaine d’oranges, qu’elle me fit mettre dans mon mouchoir.

Un peu plus loin, elle acheta encore un pain, du saucisson, une bouteille de manzanilla (чуть дальше она купила еще булку хлеба, колбасы, бутылку мансанильи; manzanilla, m – мансанилья /испанское вино типа хереса/); puis enfin elle entra chez un confiseur (затем, наконец, она зашла к кондитеру). Là, elle jeta sur le comptoir la pièce d’or que je lui avais rendue (там она бросила на прилавок золотую монету, которую я ей вернул; rendre), une autre encore qu’elle avait dans sa poche (еще одну, которая была у нее в кармане), avec quelque argent blanc (и несколько белых монет = немного серебра); enfin elle me demanda tout ce que j’avais (наконец она попросила у меня все мои наличные деньги: «все, что я имел»). Je n’avais qu’une piécette et quelques cuartos (у меня была лишь песета и несколько куарто), que je lui donnai, fort honteux de n’avoir pas davantage (которые я отдал ей, стыдясь, что у меня не было больше /ничего/; honteux – стыдящийся; honte, f – стыд). Je crus qu’elle voulait emporter toute la boutique (я думал, что она хочет унести с собой = скупить всю лавку). Elle prit tout ce qu’il y avait de plus beau et de plus cher (она взяла все самое красивое и самое дорогое), yemas21 («йемас»), turon22 («туррон»), fruits confits (засахаренные фрукты), tant que l’argent dura (на сколько хватило денег: «поскольку длились деньги»).

Un peu plus loin, elle acheta encore un pain, du saucisson, une bouteille de manzanilla; puis enfin elle entra chez un confiseur. Là, elle jeta sur le comptoir la pièce d’or que je lui avais rendue, une autre encore qu’elle avait dans sa poche, avec quelque argent blanc; enfin elle me demanda tout ce que j’avais. Je n’avais qu’une piécette et quelques cuartos, que je lui donnai, fort honteux de n’avoir pas davantage. Je crus qu’elle voulait emporter toute la boutique. Elle prit tout ce qu’il y avait de plus beau et de plus cher, yemas, turon, fruits confits, tant que l’argent dura.

Tout cela, il fallait encore que je le portasse dans des sacs de papier (и все это я должен был снова нести в бумажных пакетах). Vous connaissez peut-être la rue du Candilejo (вы знаете, может быть, улицу Кандилехо), où il y a une tête du roi don Pedro le Justicier23 (где имеется голова короля дона Педро Справедливого). Elle aurait dû m’inspirer des réflexions (она должна бы была навести меня на размышления; inspirer – вдыхать; внушать; подсказывать; réflexion, f – отражение; размышление; réfléchir – размышлять). Nous nous arrêtâmes dans cette rue-là (на этой улице мы остановились), devant une vieille maison (перед каким-то старым домом). Elle entra dans l’allée, et frappa au rez-de-chaussée (она прошла в /узкий/ проход и постучала в /дверь/ на первом этаже; allée, f – аллея; дорожка; проход). Une bohémienne, vraie servante de Satan, vint nous ouvrir (нам открыла: «пришла открыть» цыганка, настоящая служанка сатаны). Carmen lui dit quelques mots en rommani (Кармен сказала ей несколько слов на роммани). La vieille grogna d’abord (старуха сначала заворчала; grogner – хрюкать; /разг./ брюзжать, ворчать). Pour l’apaiser, Carmen lui donna deux oranges et une poignée de bonbons (чтобы успокоить ее, Кармен дала ей два апельсина и горсть конфет; bonbon, m), et lui permit de goûter au vin (и позволила ей попробовать вино; permettre – позволять, разрешать).

Tout cela, il fallait encore que je le portasse dans des sacs de papier. Vous connaissez peut-être la rue du Candilejo, où il y a une tête du roi don Pedro le Justicier. Elle aurait dû m’inspirer des réflexions. Nous nous arrêtâmes dans cette rue-là, devant une vieille maison. Elle entra dans l’allée, et frappa au rez-de-chaussée. Une bohémienne, vraie servante de Satan, vint nous ouvrir. Carmen lui dit quelques mots en rommani. La vieille grogna d’abord. Pour l’apaiser, Carmen lui donna deux oranges et une poignée de bonbons, et lui permit de goûter au vin.

Puis elle lui mit sa mante sur le dos et la conduisit à la porte (затем она набросила ей на спину = на плечи ее накидку и вывела ее за дверь; mante, f – длинная женская накидка; conduire), qu’elle ferma avec la barre de bois (которую она закрыла на деревянный засов). Dès que nous fûmes seuls (как только мы остались одни), elle se mit à danser et à rire comme une folle, en chantant (она принялась танцевать и смеяться, как сумасшедшая, напевая):

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