Константин Бальмонт - Константин Бальмонт и поэзия французского языка/Konstantin Balmont et la poésie de langue française [билингва ru-fr]
Traduitpar Philéas Lebesgue
Звездный витязь/Un preux parmi les étoiles
Не бог, но самый сильный брат богов,
Трудов свершитель самых трудных. Кто ты?
Из мира изгонял ты нечистоты.
И, вольный, был содругом всех рабов.
Когда свистит вокруг твоих столбов
Морская буря, порваны темноты.
Ты гидр губил. Но пчел, творящих соты,
Не трогал ты на чашечках цветков.
Ты был как вышний ствол глухого леса.
Но также прясть могла рука твоя.
Когда ж земная порвалась завеса, —
Ты отошел в небесные края.
И солнце мчит себя, мечту тая —
Догнать в путях созвездье Геркулеса.
Non un dieu, mais le plus puissant frère des dieux,
Héros des travaux les plus rudes, qui es-tu?
De toute impureté tu nettoyais le monde
Et, libre, tu étais le soutien des esclaves.
Quand la tempête siffle autour de tes colonnes,
On voit se déchirer tout à coup les ténèbres;
L'hydre tu la tuais, mais tu ne touchais point
À l'abeille qui fait son miel au creux des fleurs.
Tu semblais l'arbre le plus haut d'un bois épais;
Mais ta puissante main savait aussi filer
Et, lorsque le rideau terrestre s'est fendu,
Tu as fui aux pays du ciel, et le Soleil,
En son essor, poursuit sans relâche le rêve
D'atteindre un jour la constellation d'Hercule.
Traduit par Philéas Lebesgue
Из книги «Дар земле»
(Париж, «Рус. земля», 1921)
Ниника/Ninica
Ты нашла кусочек янтаря,
Он тебе дороже был червонца,
И вскричала, радостью горя:
«Я нашла, смотри, кусочек солнца!»
Затаив желание свое,
Ты вбежала в море прочь от няни
И вскричала: «Море все мое!»
И была как птица в океане.
Ты схватила красный карандаш
И проворно на клочке бумаги
Начертила огненный мираж
Солнечной молниеносной саги.
Ты взросла, как тополь молодой,
От смолистых капель благовонный,
И пошел, — как путник за звездой, —
За тобой — путем судьбы — влюбленный.
Я не знаю, в чем твой час теперь,
Между нами — реки, горы, степи,
Но везде в тюрьме ты сломишь дверь
И, играя, разорвешь ты цепи.
Tu as trouvé un morceau d'ambre,
Il te fut plus cher qu'un écu.
Et la joie te brûlant, ne t'es-tu pas écriée
«Vois, j'ai trouvé un morceau du soleil»?
Mais tu as caché ton désir,
Loin de ta bonne, en courant, tu es entrée dans la mer.
Ne t'es-tu pas écriée: «La mer tout entière est а moi!»
Tu étais dans l'océan comme un oiseau.
Tu t'es jetée sur le crayon rouge
Et tu as sur le papier promptement
Tracé le mirage enflammé
D'un mythe solaire porteur d'éclairs.
Tu as grandi comme un jeune peuplier
Chargé de la senteur des gouttes de résine;
Et, comme un routier derrière une étoile,
L'amoureux t'a suivi sur la route du destin.
J'ignore ce qu'est ton heure présente,
Des monts, des fleuves, des steppes nous séparent;
Mais partout tu sauras briser les portes de prison
Et, en jouant, rompre toutes les chaînes.
Traduit par Emmanuel Rais et Jacques Robert
Из книги «В раздвинутой дали»
(Белград, 1929)
Обетование/La terre promise
Сомкни усталые ресницы,
На то, что было, не смотри.
Закрыв глаза, читай страницы,
Что светят ярко там внутри.
Из бездны ада мы бежали,
И Море бьет о чуждый брег.
Но заключили мы скрижали
В недосягаемый ковчег.
Храни нетронутость святыни,
Которой перемены нет.
И знай — от века и доныне
Нам светит негасимый свет.
Когда ж ягненок с волком рядом
Пойдут одну зарю встречать.
Вдруг разомкнётся нам над кладом
Теперь сомкнутая печать.
Ne regarde plus le passé,
Clos tes yeux las, ô doux visage,
Tu liras ainsi le message
Sur ces ardents feuillets tracé.
Fuyant un infernal abîme,
Portés au rivage étranger,
Notre table des lois nous mîmes
Dans une arche, hors du danger…
Et, la gardant toujours entière,
Inaltérable désormais,
Nous resterons dans sa lumière
Dès à présent et pour jamais.
Quand iront vers l'aube nouvelle
Le loup avec l'angneau, alors
Nous briserons le sceau qui cèle
Jalousement notre trésor.
Traduit par Katia Granoff
Приложение/Appendice [29]
Камыши/Les roseaux
À l'heure de minuit, en la touffeur des marais,
À peine perceptibles, sans bruit frôlent-lent les roseaux.
De quoi chuchottent-ils? De quoi parlent-ils?
Pourquoi, parmi eux, de petits feux s'allument-ils?
Ils étincellent, clignotent, — et ne sont plus…
Et de nouveau scintille la lueur errante.
À l'heure de minuit frôlent-lent les roseaux:
Les crapeaux y nichent, les serpents y sifflent.
Une Face moribonde frissonne dans le marais:
Et c'est la Lune meurtrie, qui, tristement, s'affaissa.
L'odeur de vase s'exhale, l'humidité rampe…
La vase mouvante attirera, pressera, enlisera.
— «Qui? Pourquoi?» — disent les roseaux.
Pourquoi, parmi nous, s'allument les feux petits?
Mais la Lune triste s'affaissa dans son silence.
Elle ne sait pas. Elle descend, plus bas encore, sa face.
Et répétant le soupir de l'être qui périt, —
Avec angoisse, sans bruit, frôlent-lent les roseaux.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Камыши/Les roseaux
Lorsqu'arrive minuit dans les marais déserts
Les roseaux doucement soupirent dans les airs.
Que disent les roseaux, pourquoi donc ces murmures?
Pourquoi des feux follets brûlent dans leur verdure?
Ces errantes clartés sur le miroir des eaux
Se rallument ou bien s'éteignent de nouveau.
Les roseaux de minuit s'inclinent et bruissent,
Ils cachent des crapauds, de longs serpents y glissent.
Le visage penché d'un livide croissant
Se mire dans les eaux, tremblant, évanescent.
Oh! l'odeur de la vase, étrangement sauvage,
Il aspire, il étreint, l'attirant marécage…
«Qui donc est-ce… Pourquoi? Demandent les roseaux,
Pourquoi brûlent ainsi des flammes sur nos eaux?»
Mais le croissant se tait tristement qui l'ignore,
Et penche son profil plus bas, plus bas encore…
Les roseaux chuchotant dans la nuit de saphir,
D'une âme disparue évoquent les soupirs.
Traduit par Katia Granoff
Тишина/Le calme
Les ambres d'un jaune clair tendre
Luisent à peine au couchant.
On sent un doux calme descendre;
Les saules dorment se penchant.
La silencieuse rivière
Reflète les nuages blancs
Et des cieux la douce lumière.
Le sombre bois est sommeillant.
Dans ce doux règne du silence
Volent des rêves languissants;
Et la nuit lentement avance,
Les ombres fuient en pâlissant.
Les étoiles brillantes jettent
Dans l'onde leur douce lueur,
Les yeux des anges s'y reflètent,
Et du croissant l'éclat rêveur.
Traduit par Olga Lanceray
Тишина/Le calme
A peine pâlissent du crepuscule tendre
Les jaunes perles d'ambre.
Partout, un calme caressant, —
Les nénuphars dorment, et dorment les roseaux.
La rivière assoupie
Reflète les nuages,
La tranquille, la pâle couleur des cieux, —
La tranquille, la sombre, la dormeuse forêt.
Dans ce royaume de calme
Flottent de doux songes,
La nuit respire, remplaçant le jour, —
Et tarde l'ombre, qui s'allège et s'atténue.
En ces eaux d'en-haut
Se voit le pâle croissant de lune.
Les étoiles versent la paisible lumière, —
Les yeux des anges regardent.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
«Будем как солнце! забудем о том…»/Soyons comme le soleil
Soyons comme le Soleil! Oublions
Qui nous mène sur la voie d'or.
Souvenons-nous, avant tout, qu'éternellement vers autre chose,
Vers le nouveau, le Fort, le Bien, le Mal,
De geste éclatant nous nous emportons en un songe somptueux!
Sans oubli! implorons le non-Terrestre
En notre vouloir terrestre…
Comme le Soleil, jeune toujours,
Caressons les fleurs, les fleurs qui flamboient,
L'air transparent, et tout ce qui est d'or!
Es-tu heureux?… Sois deux fois plus heureux,
Et sois l'incarnation du rêve soudain!
Ah! ne pas t'attarder dans l'immobile!
Plus loin, et loin! jusqu'à la limite sacrée,
Plus loin nous attire le Terme fatidique:
Dans l'Éternité, où de nouvelles corolles s'allumeront…
Soyons comme le Soleil, il est jeune!
Et en cela s'atteste l'ordre de la Beauté.
Traduit par Alexandra de Holstein et René Ghil
Завет бытия/Voix de la Nature
Je demandais au vent toujours errant;
Pour être jeune, oh! dis-le moi, que faire?
Le libre vent me dit en folâtrant:
«Sois comme l'air, ou la vapeur légère!»
«Quel ordre», dis-je à l'Océan puissant,
«Le créateur donna-t-il à la vie?»
Et l'Océan, dit en se balançant:
«Toujours, ainsi que Moi, sois pleine d'harmonie!»
«Que faire», dis-je au soleil dans les cieux
«Pour luire ainsi que l'aurore hâtive?»
L'ardent soleil resta silencieux:
«Enflamme-toi» comprit l'âme attentive.
Traduit par Olga Lanceray