Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен
Je voyais bien des gens d’Égypte, mais je n’osais guère m’y fier; je les tâtais, et ils me tâtaient. Nous devinions bien que nous étions des coquins, l’important était de savoir si nous étions de la même bande. Après deux jours passés en courses inutiles, je n’avais rien appris touchant la Rollona ni Carmen, et je pensais à retourner auprès de mes camarades après avoir fait quelques emplettes, lorsqu’en me promenant dans une rue, au coucher du soleil, j’entendis une voix de femme d’une fenêtre qui me dit: « Marchand d’oranges! »
Je lève la tête, et je vois à un balcon Carmen (я поднимаю голову и вижу на балконе Кармен), accoudée avec un officier en rouge (облокотившуюся рядом с офицером в красном; s’accouder – облокачиваться; coude, m – локоть), épaulettes d’or, cheveux frisés (с золотыми эполетами, завитыми волосами; friser – завивать), tournure d’un gros mylord (осанкой важного милорда; tournure, f – оборот дела; сложение; внешность; gros – толстый; значительный, важный). Pour elle, elle était habillée superbement (что касается ее, она была роскошно одета; superbe – великолепный; пышный): un châle sur les épaules (шаль на плечах), un peigne d’or, toute en soie (золотой гребень, все из шелка = вся в шелках); et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtés (и бестия, все такая же, смеялась до упаду; bonne pièce – ценный, подлинный экземпляр; тонкая, хитрая штучка, бестия). L’Anglais, en baragouinant l’espagnol, me cria de monter (англичанин, на ломаном испанском, крикнул мне, чтобы я поднялся; baragouiner – /разг./ плохо говорить /на каком-либо языке/, говорить ломаным языком), que madame voulait des oranges (что мадам хочет апельсинов); et Carmen me dit en basque (а Кармен сказала мне по-баскски):
– Monte, et ne t’étonne de rien (поднимайся и не удивляйся ничему).
Je lève la tête, et je vois à un balcon Carmen, accoudée avec un officier en rouge, épaulettes d’or, cheveux frisés, tournure d’un gros mylord. Pour elle, elle était habillée superbement: un châle sur les épaules, un peigne d’or, toute en soie; et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtés. L’Anglais, en baragouinant l’espagnol, me cria de monter, que madame voulait des oranges; et Carmen me dit en basque:
– Monte, et ne t’étonne de rien.
Rien, en effet, ne devait m’étonner de sa part (в самом деле, с ней мне не следовало удивляться ничему: «ничто не должно было удивлять меня в ней»; de sa part – с ее стороны). Je ne sais si j’eus plus de joie que de chagrin en la retrouvant (не знаю, испытывал ли я больше радости, чем огорчения, найдя ее; joie, f; chagrin, m). Il y avait à la porte un grand domestique anglais, poudré (у двери стоял высокий слуга = лакей англичанин, в пудре), qui me conduisit dans un salon magnifique (и провел меня в великолепный зал; conduire). Carmen me dit aussitôt en basque (Кармен заговорила со мной тотчас же по-баскски):
– Tu ne sais pas un mot d’espagnol, tu ne me connais pas (ты не знаешь ни слова по-испански, ты меня не знаешь).
Rien, en effet, ne devait m’étonner de sa part. Je ne sais si j’eus plus de joie que de chagrin en la retrouvant. Il y avait à la porte un grand domestique anglais, poudré, qui me conduisit dans un salon magnifique. Carmen me dit aussitôt en basque:
– Tu ne sais pas un mot d’espagnol, tu ne me connais pas.
Puis, se tournant vers l’Anglais (затем, повернувшись к англичанину):
– Je vous le disais bien (я же говорила вам), je l’ai tout de suite reconnu pour un Basque (я сразу же узнала в нем баска); vous allez entendre quelle drôle de langue (вы услышите, что это за забавный язык). Comme il a l’air bête, n’est-ce pas (каким глупым он выглядит, не правда ли)? On dirait un chat surpris dans un garde-manger (можно подумать, что это кот, застигнутый врасплох в кладовой; garde-manger, m – /уст./ кладовая; garder – охранять; хранить /чтоб не испортилось/; manger, m – еда).
– Et toi, lui dis-je dans ma langue (а ты, – сказал я ей на моем языке), tu as l’air d’une effrontée coquine (ты выглядишь как наглая мошенница), et j’ai bien envie de te balafrer la figure devant ton galant (и мне очень хочется исполосовать твое лицо на глазах у твоего ухажера; balafre, f – рубец, шрам /на лице/; galant, m – поклонник, кавалер; ухажер).
Puis, se tournant vers l’Anglais:
– Je vous le disais bien, je l’ai tout de suite reconnu pour un Basque; vous allez entendre quelle drôle de langue. Comme il a l’air bête, n’est-ce pas? On dirait un chat surpris dans un garde-manger.
– Et toi, lui dis-je dans ma langue, tu as l’air d’une effrontée coquine, et j’ai bien envie de te balafrer la figure devant ton galant.
– Mon galant! dit-elle (моего ухажера, – сказала она), tiens, tu as deviné cela tout seul (подумать только, ты об этом сам догадался)? Et tu es jaloux de cet imbécile-là (и ты ревнуешь к этому дураку)? Tu es encore plus niais qu’avant nos soirées de la rue du Candilejo (ты еще глупее, чем был до наших вечеров на улице Кандилехо; soirée, f). Ne vois-tu pas, sot que tu es (ты что, не видишь, дурень ты эдакий), que je fais en ce moment les affaires d’Égypte (что я в данный момент проворачиваю цыганские дела), et de la façon la plus brillante (и самым блестящим образом; brillant – блестящий, сверкающий; блестящий, великолепный)? Cette maison est à moi (этот дом мой), les guinées de l’écrevisse seront à moi (гинеи рака будут мои); je le mène par le bout du nez (я его вожу за кончик носа), je le mènerai d’où il ne sortira jamais (и я приведу его туда, откуда он никогда не выйдет = не выберется).
– Mon galant! dit-elle, tiens, tu as deviné cela tout seul? Et tu es jaloux de cet imbécile-là? Tu es encore plus niais qu’avant nos soirées de la rue du Candilejo. Ne vois-tu pas, sot que tu es, que je fais en ce moment les affaires d’Égypte, et de la façon la plus brillante? Cette maison est à moi, les guinées de l’écrevisse seront à moi; je le mène par le bout du nez, je le mènerai d’où il ne sortira jamais.
– Et moi, lui dis-je (а я, – сказал я ей), si tu fais encore les affaires d’Égypte de cette manière-là (если ты еще будешь заниматься цыганскими делами таким образом), je ferai si bien que tu ne recommenceras plus (я сделаю так, что ты не начнешь больше заново).
– Ah! oui-dà (вот еще)! Es-tu mon rom, pour me commander (ты разве мой ром, чтобы приказывать мне)? Le Borgne le trouve bon (Кривой одобряет это: «считает это хорошим»), qu’as-tu à y voir (а ты здесь при чем)? Ne devrais-tu pas être bien content d’être le seul (не должен ли ты быть очень рад тому, что ты единственный) qui se puisse dire mon minchorrô (кто может назвать себя моим минчорро)40?
– Qu’est-ce qu’il dit (что он говорит)? demanda l’Anglais (спросил англичанин).
– Et moi, lui dis-je, si tu fais encore les affaires d’Égypte de cette manière-là, je ferai si bien que tu ne recommenceras plus.
– Ah! oui-dà! Es-tu mon rom, pour me commander? Le Borgne le trouve bon, qu’as-tu à y voir? Ne devrais-tu pas être bien content d’être le seul qui se puisse dire mon minchorrô?
– Qu’est-ce qu’il dit? demanda l’Anglais.
– Il dit qu’il a soif et qu’il boirait bien un coup, répondit Carmen (он говорит, что он хочет пить и что он выпил бы рюмочку, – ответила Кармен; soif, f – жажда; boire un coup – глотнуть чего-либо; выпить по рюмочке; coup, m – удар; глоток).
Et elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction (и она повалилась на диван, смеясь над своим переводом; se renverser – опрокидываться; повалиться).
Monsieur, quand cette fille-là riait (сеньор, когда эта девчонка смеялась), il n’y avait pas moyen de parler raison (невозможно было говорить толком; parler raison – взывать к голосу рассудка; рассуждать здраво, трезво). Tout le monde riait avec elle (все смеялись вместе с ней). Ce grand Anglais se mit à rire aussi (этот высокий англичанин засмеялся тоже), comme un imbécile qu’il était (как дурак, каким он и был), et ordonna qu’on m’apportât à boire (и приказал, чтобы мне принесли выпить; ordonner).
– Il dit qu’il a soif et qu’il boirait bien un coup, répondit Carmen.
Et elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction.
Monsieur, quand cette fille-là riait, il n’y avait pas moyen de parler raison. Tout le monde riait avec elle. Ce grand Anglais se mit à rire aussi, comme un imbécile qu’il était, et ordonna qu’on m’apportât à boire.
Pendant que je buvais (пока я пил):
– Vois-tu cette bague qu’il a au doigt (видишь это кольцо, которое у него на пальце)? dit-elle, si tu veux, je te la donnerai (сказала она, – если хочешь, я тебе дам его).
Moi, je répondis (я ответил):
– Je donnerais un doigt pour tenir ton milord dans la montagne (я бы отдал палец, чтобы встретиться с твоим милордом в горах; tenir – держать; схватить), chacun un maquila au poing (и у каждого была в руках: «в кулаке» макила).
– Maquila, qu’est-ce que cela veut dire (макила, что это означает)? demanda l’Anglais (спросил англичанин).
Pendant que je buvais:
– Vois-tu cette bague qu’il a au doigt? dit-elle, si tu veux, je te la donnerai.
Moi, je répondis:
– Je donnerais un doigt pour tenir ton milord dans la montagne, chacun un maquila au poing.
– Maquila, qu’est-ce que cela veut dire? demanda l’Anglais.
– Maquila, dit Carmen riant toujours (макила, – сказала Кармен, по-прежнему смеясь), c’est une orange (это апельсин). N’est-ce pas un bien drôle de mot pour une orange (не правда ли очень забавное слово для апельсина)? Il dit qu’il voudrait vous faire manger du maquila (он говорит, что он хочет угостить вас макилой: «чтобы вы поели макилу»).
– Oui? dit l’Anglais (вот как, – говорит англичанин). Eh bien? apporte encore demain du maquila (что ж, приходи опять завтра с макилой: «принеси еще и завтра макилу»).
Pendant que nous parlions (в то время, как мы разговаривали), le domestique entra et dit que le dîner était prêt (вошел слуга и сказал, что ужин готов). Alors l’Anglais se leva, me donna une piastre (тогда англичанин встал, дал мне пиастр), et offrit son bras à Carmen, comme si elle ne pouvait pas marcher seule (и подал свою руку Кармен, будто она не могла идти сама; offrir – предлагать; давать).
– Maquila, dit Carmen riant toujours, c’est une orange. N’est-ce pas un bien drôle de mot pour une orange? Il dit qu’il voudrait vous faire manger du maquila.
– Oui? dit l’Anglais. Eh bien? apporte encore demain du maquila.
Pendant que nous parlions, le domestique entra et dit que le dîner était prêt. Alors l’Anglais se leva, me donna une piastre, et offrit son bras à Carmen, comme si elle ne pouvait pas marcher seule.