Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен
Monsieur, on devient coquin sans y penser. Une jolie fille vous fait perdre la tête, on se bat pour elle, un malheur arrive, il faut vivre à la montagne, et de contrebandier on devient voleur avant d’avoir réfléchi. Nous jugeâmes qu’il ne faisait pas bon pour nous dans les environs de Gibraltar après l’affaire des milords, et nous nous enfonçâmes dans la sierra de Ronda. Vous m’avez parlé de José-Maria; tenez, c’est là que j’ai fait connaissance avec lui. Il mettait sa maîtresse dans ses expéditions.
C’était une jolie fille (это была красивая девушка), sage, modeste, de bonnes manières (тихая, скромная, с хорошими манерами; sage – мудрый; послушный; скромный, сдержанный, целомудренный); jamais un mot malhonnête, et un dévouement (слова грубого никогда /не скажет/, и что за преданность; malhonnête – нечестный; невежливый; dévoué – преданный; посвятивший себя)!… En revanche, il la rendait bien malheureuse (зато он делал ее несчастной; rendre – возвращать; /с прилагательным/ делать, приводить в какой-либо состояние). Il était toujours à courir après toutes les filles (он постоянно бегал = волочился за всеми девицами), il la malmenait (он грубо с ней обращался), puis quelquefois il s’avisait de faire le jaloux (и потом порой он вздумывал становиться ревнивым = принимался ревновать). Une fois, il lui donna un coup de couteau (один раз он нанес ей удар ножом = ударил ее ножом). Eh bien, elle ne l’en aimait que davantage (что ж, она его от этого любила еще больше). Les femmes sont ainsi faites, les Andalouses surtout (женщины так устроены, особенно андалузки). Celle-là était fière de la cicatrice qu’elle avait au bras (эта гордилась своим шрамом, который у нее был на руке), et la montrait comme la plus belle chose du monde (и показывала его словно самую прекрасную вещь = лучшее украшение в мире).
C’était une jolie fille, sage, modeste, de bonnes manières; jamais un mot malhonnête, et un dévouement!… En revanche, il la rendait bien malheureuse. Il était toujours à courir après toutes les filles, il la malmenait, puis quelquefois il s’avisait de faire le jaloux. Une fois, il lui donna un coup de couteau. Eh bien, elle ne l’en aimait que davantage. Les femmes sont ainsi faites, les Andalouses surtout. Celle-là était fière de la cicatrice qu’elle avait au bras, et la montrait comme la plus belle chose du monde.
Et puis José-Maria, par-dessus le marché, était le plus mauvais camarade (и потом, Хосе-Мария, в довершение всего, был самым плохим товарищем)!… Dans une expédition que nous fîmes (в одну из наших экспедиций, которую мы проводили), il s’arrangea si bien que tout le profit lui en demeura (он устроил так, что вся прибыль досталась ему; s’arranger – располагаться в определенном порядке; принимать меры, постараться), à nous les coups et l’embarras de l’affaire (а нам тумаки и хлопоты: «трудности дела»; coup, m – удар; embarras, m – препятствие; затруднение). Mais je reprends mon histoire (но я продолжаю мой рассказ). Nous n’entendions plus parler de Carmen (мы не слышали о Кармен). Le Dancaïre dit (Данкайре сказал):
– Il faut qu’un de nous aille à Gibraltar pour en avoir des nouvelles (нужно, чтобы один из нас съездил в Гибралтар, чтобы иметь новости = разузнать о ней); elle doit avoir préparé quelque affaire (она, должно быть, подготовила какое-то дело). J’irais bien, mais je suis trop connu à Gibraltar (я бы охотно пошел, но меня слишком хорошо знают в Гибралтаре).
Et puis José-Maria, par-dessus le marché, était le plus mauvais camarade!… Dans une expédition que nous fîmes, il s’arrangea si bien que tout le profit lui en demeura, à nous les coups et l’embarras de l’affaire. Mais je reprends mon histoire. Nous n’entendions plus parler de Carmen. Le Dancaïre dit:
– Il faut qu’un de nous aille à Gibraltar pour en avoir des nouvelles; elle doit avoir préparé quelque affaire. J’irais bien, mais je suis trop connu à Gibraltar.
Le Borgne dit (Кривой сказал):
– Moi aussi, on m’y connaît (меня тоже там знают), j’y ai fait tant de farces aux Écrevisses38 (я там проделал столько шуток с раками; farce, f – /театр./ фарс; шутка, проделка, выходка; écrevisse, f – рак)! et, comme je n’ai qu’un œil, je suis difficile à déguiser (и, поскольку у меня только один глаз, мне трудно переодеться = замаскироваться).
– Il faut donc que j’y aille (стало быть, нужно, чтобы пошел я = придется идти мне)? dis-je à mon tour, enchanté à la seule idée de revoir Carmen (сказал я в свою очередь, довольный от одной только мысли, что увижу снова Кармен; enchanté – очарованный, восхищенный; idée, f – понятие; идея, мысль); voyons, que faut-il faire (итак, что нужно сделать)?
Le Borgne dit:
– Moi aussi, on m’y connaît, j’y ai fait tant de farces aux Écrevisses! et, comme je n’ai qu’un œil, je suis difficile à déguiser.
– Il faut donc que j’y aille? dis-je à mon tour, enchanté à la seule idée de revoir Carmen; voyons, que faut-il faire?
Les autres me dirent (они мне сказали):
– Fais tant que de t’embarquer ou de passer par Saint-Roc (постарайся пробраться через море: «сесть в лодку» или перейти через Сан-Роке), comme tu aimeras le mieux (как тебе больше понравится = покажется удобнее), et, lorsque tu seras à Gibraltar (и, когда ты будешь в Гибралтаре), demande sur le port où demeure une marchande de chocolat qui s’appelle la Rollona (спроси в порту, где живет торговка шоколадом, которую зовут Рольона); quand tu l’auras trouvée, tu sauras d’elle ce qui se passe là-bas (когда ты ее найдешь, ты узнаешь от нее, что там происходит).
Les autres me dirent:
– Fais tant que de t’embarquer ou de passer par Saint-Roc, comme tu aimeras le mieux, et, lorsque tu seras à Gibraltar, demande sur le port où demeure une marchande de chocolat qui s’appelle la Rollona; quand tu l’auras trouvée, tu sauras d’elle ce qui se passe là-bas.
Il fut convenu que nous partirions tous les trois pour la sierra de Gaucin (условились, что мы все трое отправимся в сьерру Гаусин), que j’y laisserais mes deux compagnons (там я покину моих товарищей), et que je me rendrais à Gibraltar comme un marchand de fruits (и что я отправлюсь в Гибралтар под видом торговца фруктами; fruit, m). À Ronda, un homme qui était à nous m’avait procuré un passeport (в Ронде один человек, который был из наших, достал мне паспорт); à Gaucin, on me donna un âne (в Гаусине мне дали осла): je le chargeai d’oranges et de melons, et je me mis en route (я нагрузил его апельсинами и дынями и отправился в путь; orange, f; melon, m).
Il fut convenu que nous partirions tous les trois pour la sierra de Gaucin, que j’y laisserais mes deux compagnons, et que je me rendrais à Gibraltar comme un marchand de fruits. À Ronda, un homme qui était à nous m’avait procuré un passeport; à Gaucin, on me donna un âne: je le chargeai d’oranges et de melons, et je me mis en route.
Arrivé à Gibraltar, je trouvai qu’on y connaissait bien la Rollona (когда я добрался до Гибралтара, я обнаружил, что там прекрасно знают Рольону), mais elle était morte ou elle était allée à finibus terrae39 (но она умерла или отправилась в finibus terrae), et sa disparition expliquait, à mon avis, comment nous avions perdu notre moyen de correspondre avec Carmen (и ее исчезновение объясняло, на мой взгляд, почему мы потеряли наше средство связи с Кармен; correspondre – соответствовать; сообщаться). Je mis mon âne dans une écurie (я оставил своего осла в конюшне), et, prenant mes oranges, j’allais par la ville comme pour les vendre (и, взяв мои апельсины, я отправился ходить по городу, будто бы для того, чтобы продать их), mais, en effet, pour voir si je ne rencontrerais pas quelque figure de connaissance (но на самом деле, чтобы посмотреть, не встречу ли я какое-нибудь знакомое лицо; figure, f; connaissance, f – познание; знакомство; знакомый). Il y a là force canaille de tous les pays du monde (там было полно жулья из разных стран мира; canaille, f – каналья, негодяй; сброд, жулье), et c’est la tour de Babel (и это была Вавилонская башня), car on ne saurait faire dix pas dans une rue sans entendre parler autant de langues (ибо невозможно было сделать и десяти шагов на улице, не услышав, как говорят на стольких же языках; langue, f).
Arrivé à Gibraltar, je trouvai qu’on y connaissait bien la Rollona, mais elle était morte ou elle était allée à finibus terrae, et sa disparition expliquait, à mon avis, comment nous avions perdu notre moyen de correspondre avec Carmen. Je mis mon âne dans une écurie, et, prenant mes oranges, j’allais par la ville comme pour les vendre, mais, en effet, pour voir si je ne rencontrerais pas quelque figure de connaissance. Il y a là force canaille de tous les pays du monde, et c’est la tour de Babel, car on ne saurait faire dix pas dans une rue sans entendre parler autant de langues.
Je voyais bien des gens d’Égypte, mais je n’osais guère m’y fier (я видел цыган, но не осмеливался довериться им); je les tâtais, et ils me tâtaient (я проверял их, они проверяли меня; tâter – щупать; /перен./ прощупывать, зондировать). Nous devinions bien que nous étions des coquins (мы догадывались, что мы были мошенниками; deviner – угадывать, догадываться), l’important était de savoir si nous étions de la même bande (самое главное было узнать, были ли мы из одной шайки; important, m – главное, суть; important – важный). Après deux jours passés en courses inutiles (после двух дней, проведенных в бесплодных скитаниях: «за бесполезными прогулками»; course, f – бег; хождение /по делам/; прогулка), je n’avais rien appris touchant la Rollona ni Carmen (я не узнал ничего касающегося Рольоны, ни Кармен), et je pensais à retourner auprès de mes camarades après avoir fait quelques emplettes (и /уже/ думал вернуться к моим товарищам, сделав несколько покупок; emplette, f), lorsqu’en me promenant dans une rue, au coucher du soleil (как вдруг, прогуливаясь по какой-то улице, на закате солнца; coucher, m – отход ко сну; заход /солнца/), j’entendis une voix de femme d’une fenêtre qui me dit (я услышал женский голос из окна, который говорил мне): « Marchand d’oranges (торговец апельсинами)!»
Je voyais bien des gens d’Égypte, mais je n’osais guère m’y fier; je les tâtais, et ils me tâtaient. Nous devinions bien que nous étions des coquins, l’important était de savoir si nous étions de la même bande. Après deux jours passés en courses inutiles, je n’avais rien appris touchant la Rollona ni Carmen, et je pensais à retourner auprès de mes camarades après avoir fait quelques emplettes, lorsqu’en me promenant dans une rue, au coucher du soleil, j’entendis une voix de femme d’une fenêtre qui me dit: « Marchand d’oranges! »
Je lève la tête, et je vois à un balcon Carmen (я поднимаю голову и вижу на балконе Кармен), accoudée avec un officier en rouge (облокотившуюся рядом с офицером в красном; s’accouder – облокачиваться; coude, m – локоть), épaulettes d’or, cheveux frisés (с золотыми эполетами, завитыми волосами; friser – завивать), tournure d’un gros mylord (осанкой важного милорда; tournure, f – оборот дела; сложение; внешность; gros – толстый; значительный, важный). Pour elle, elle était habillée superbement (что касается ее, она была роскошно одета; superbe – великолепный; пышный): un châle sur les épaules (шаль на плечах), un peigne d’or, toute en soie (золотой гребень, все из шелка = вся в шелках); et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtés (и бестия, все такая же, смеялась до упаду; bonne pièce – ценный, подлинный экземпляр; тонкая, хитрая штучка, бестия). L’Anglais, en baragouinant l’espagnol, me cria de monter (англичанин, на ломаном испанском, крикнул мне, чтобы я поднялся; baragouiner – /разг./ плохо говорить /на каком-либо языке/, говорить ломаным языком), que madame voulait des oranges (что мадам хочет апельсинов); et Carmen me dit en basque (а Кармен сказала мне по-баскски):