Ирина Дегиль - Французский с Проспером Мериме. Кармен
Le lendemain, j’allai rue du Candilejo. Carmen se fit attendre, et vint d’assez mauvaise humeur.
– Je n’aime pas les gens qui se font prier, dit-elle. Tu m’as rendu un plus grand service la première fois, sans savoir si tu y gagnerais quelque chose. Hier, tu as marchandé avec moi. Je ne sais pas pourquoi je suis venue, car je ne t’aime plus. Tiens, va-t’en, voilà un douro pour ta peine.
Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête (я чуть не бросил монету ей в лицо: «в голову»), et je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre (и был вынужден сделать неимоверное усилие над собой, чтобы не побить ее; violent – неистовый; чрезмерный). Après nous être disputés pendant une heure (после того, как мы ссорились целый час), je sortis furieux (я вышел в ярости; furieux – яростный, неистовый; разъяренный). J’errai quelque temps par la ville (я бродил какое-то время по городу), marchant deçà et delà comme un fou (бродя по улицам: «там и здесь» как сумасшедший); enfin j’entrai dans une église (в конце концов я зашел в церковь), et, m’étant mis dans le coin le plus obscur (и, сев в самый темный угол), je pleurai à chaudes larmes (я разрыдался; larme, f – слеза; chaud – теплый; горячий). Tout d’un coup j’entends une voix (вдруг я слышу голос):
– Larmes de dragon (драконьи слезы)! j’en veux faire un philtre (я хочу сделать из них приворотное зелье; philtre, m – любовный напиток, приворотное зелье).
Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête, et je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre. Après nous être disputés pendant une heure, je sortis furieux. J’errai quelque temps par la ville, marchant deçà et delà comme un fou; enfin j’entrai dans une église, et, m’étant mis dans le coin le plus obscur, je pleurai à chaudes larmes. Tout d’un coup j’entends une voix:
– Larmes de dragon! j’en veux faire un philtre.
Je lève les yeux (я поднимаю глаза), c’était Carmen en face de moi (напротив меня была Кармен).
– Eh bien, mon pays, m’en voulez-vous encore (что ж, мой земляк, вы на меня еще сердитесь; s’en vouloir – сердиться, питать неприязнь)? me dit-elle (сказала она мне). Il faut bien que je vous aime (должно быть, я вас люблю), malgré que j’en aie (несмотря на то, что я обижаюсь; en avoir à/contre/après qn – быть недовольным кем-либо; сердиться на кого-либо; быть в претензии, в обиде на кого-либо), car, depuis que vous m’avez quittée, je ne sais ce que j’ai (так как с тех пор, как вы меня покинули, я не знаю, что со мной). Voyons, maintenant, c’est moi qui te demande si tu veux venir rue du Candilejo (ну вот, теперь я тебя сама спрашиваю, не хочешь ли ты пойти на улицу Кандилехо; voyons! – ну, да ну же!, полноте; ну-ка; как можно!, как же так!).
Je lève les yeux, c’était Carmen en face de moi.
– Eh bien, mon pays, m’en voulez-vous encore? me dit-elle. Il faut bien que je vous aime, malgré que j’en aie, car, depuis que vous m’avez quittée, je ne sais ce que j’ai. Voyons, maintenant, c’est moi qui te demande si tu veux venir rue du Candilejo.
Nous fîmes donc la paix (итак, мы помирились; faire la paix – заключить мир; помириться); mais Carmen avait l’humeur comme est le temps chez nous (но настроение у Кармен было как погода у нас = в наших краях). Jamais l’orage n’est si près dans nos montagnes (в наших горах гроза не бывает никогда так близко; orage, m) que lorsque le soleil est le plus brillant (как когда солнце сияет ярче всего; brillant – блестящий; сияющий; briller – блестеть; блистать; сиять, сверкать). Elle m’avait promis de me revoir une autre fois chez Dorothée (она пообещала мне встретиться со мной еще раз у Доротеи; promettre), et elle ne vint pas (но она не пришла). Et Dorothée me dit de plus belle qu’elle était allée à Laloro pour les affaires d’Égypte (и Доротея снова сказала мне, что она уехала в Лалоро по цыганским делам; de plus belle – снова, с новой силой, еще больше, все больше и больше).
Nous fîmes donc la paix; mais Carmen avait l’humeur comme est le temps chez nous. Jamais l’orage n’est si près dans nos montagnes que lorsque le soleil est le plus brillant. Elle m’avait promis de me revoir une autre fois chez Dorothée, et elle ne vint pas. Et Dorothée me dit de plus belle qu’elle était allée à Laloro pour les affaires d’Égypte.
Sachant déjà par expérience à quoi m’en tenir là-dessus (зная уже по опыту, как к этому относиться; savoir à quoi s’en tenir – знать, что об этом думать, как к этому относиться, какой линии придерживаться), je cherchais Carmen partout où je croyais qu’elle pouvait être (я искал Кармен всюду, где я думал, что она может находиться), et je passais vingt fois par jour dans la rue du Candilejo (и двадцать раз на дню я проходил по улице Кандилехо). Un soir, j’étais chez Dorothée, que j’avais presque apprivoisée (как-то вечером я был у Доротеи, которую я почти приручил) en lui payant de temps à autre quelque verre d’anisette (угощая ее время от времени стаканчиком анисового ликера; payer – платить; verre, m – стекло; стакан; anisette, f), lorsque Carmen entra, suivie d’un jeune homme, lieutenant dans notre régiment (как вдруг вошла Кармен в сопровождении молодого человека, поручика нашего полка; suivre qn – следовать за кем-то, идти за кем-то).
– Va-t’en, vite, me dit-elle en basque (уходи, быстро, – сказала она мне по-баскски).
Je restai stupéfait (я стоял ошеломленный; stupéfaire – ошеломлять), la rage dans le cœur (с яростью в душе; rage, f – бешенство).
– Qu’est-ce que tu fais ici? me dit le lieutenant (что ты здесь делаешь, – сказал мне поручик). Décampe, hors d’ici (проваливай, вон отсюда; décamper – снимать лагерь; /разг./ удирать; убираться вон)!
Sachant déjà par expérience à quoi m’en tenir là-dessus, je cherchais Carmen partout où je croyais qu’elle pouvait être, et je passais vingt fois par jour dans la rue du Candilejo. Un soir, j’étais chez Dorothée, que j’avais presque apprivoisée en lui payant de temps à autre quelque verre d’anisette, lorsque Carmen entra, suivie d’un jeune homme, lieutenant dans notre régiment.
– Va-t’en, vite, me dit-elle en basque.
Je restai stupéfait, la rage dans le cœur.
– Qu’est-ce que tu fais ici? me dit le lieutenant. Décampe, hors d’ici!
Je ne pouvais faire un pas (я не мог ступить шагу); j’étais comme perclus (я был словно парализован; perclus – разбитый параличом; /перен./ парализованный). L’officier, en colère, voyant que je ne me retirais pas (офицер, в гневе, видя, что я не ухожу; colère, f – гнев; приступ гнева), et que je n’avais pas même ôté mon bonnet de police (и что даже не снимаю бескозырки; ôter – снимать, удалять; убирать; bonnet, m – колпак; шапка), me prit au collet et me secoua rudement (схватил меня за воротник = шиворот и тряхнул меня грубо). Je ne sais ce que je lui dis (я не знаю, что я ему сказал). Il tira son épée, et je dégainai (он вынул свою шпагу, а я обнажил /свою/; tirer – тянуть; доставать, вынимать; dégainer – вынимать из ножен, обнажать /шпагу и т. п.); gaine, f – футляр; кобура; ножны). La vieille me saisit le bras (старуха схватила меня за руку; saisir), le lieutenant me donna un coup au front (поручик нанес мне удар в лоб), dont je porte encore la marque (след которого остался до сих пор: «я все еще ношу»). Je reculai (я подался назад), et d’un coup de coude je jetai Dorothée à la renverse (и одним движением локтя я опрокинул Доротею; coup, m – удар; coude, m – локоть; jeter – бросать; renverser – опрокидывать, валить); puis, comme le lieutenant me poursuivait (затем, поскольку поручик преследовал меня; poursuivre), je mis la pointe au corps (я направил острие в тело), et il s’enferra (и он наткнулся на шпагу; enferrer – пронзить шпагой; s’enferrer – наткнуться на шпагу противника; fer, m – железо). Carmen alors éteignit la lampe (тогда Кармен погасила лампу; éteindre), et dit dans sa langue à Dorothée de s’enfuir (и на своем языке велеле Доротее убегать).
Je ne pouvais faire un pas; j’étais comme perclus. L’officier, en colère, voyant que je ne me retirais pas, et que je n’avais pas même ôté mon bonnet de police, me prit au collet et me secoua rudement. Je ne sais ce que je lui dis. Il tira son épée, et je dégainai. La vieille me saisit le bras, le lieutenant me donna un coup au front, dont je porte encore la marque. Je reculai, et d’un coup de coude je jetai Dorothée à la renverse; puis, comme le lieutenant me poursuivait, je mis la pointe au corps, et il s’enferra. Carmen alors éteignit la lampe, et dit dans sa langue à Dorothée de s’enfuir.
Moi-même je me sauvai dans la rue (я сам выбежал на улицу; se sauver – /уст./ спасаться; убегать), et me mis à courir sans savoir où (и побежал, не зная куда = наугад; se mettre – ставить себя;/à faire qch/ приниматься делать что-либо). Il me semblait que quelqu’un me suivait (мне казалось, что кто-то бежит за мной; suivre – следовать). Quand je revins à moi (когда я пришел в себя; revenir – возвращаться: «снова приходить»; revenir à soi – прийти в себя, очнуться), je trouvai que Carmen ne m’avait pas quitté (я обнаружил, что Кармен меня не бросила = со мной).
– Grand niais de canari! me dit-elle (глупая канарейка, – сказала она мне), tu ne sais faire que des bêtises (ты умеешь делать лишь глупости; bêtise, f; bête – глупый). Aussi bien, je te l’ai dit que je te porterais malheur (к тому же я тебе говорила, что принесу тебе несчастье; malheur, m). Allons, il y a remède à tout (ничего, на все есть средство = все можно исправить), quand on a pour bonne amie une Flamande de Rome31 (когда у тебя в подружках романская фламандка). Commence à mettre ce mouchoir sur ta tête (для начала повяжи голову этим платком; commencer – начинать; mettre – ставить; надевать), et jette-moi ce ceinturon (и брось мне портупею; jeter). Attends-moi dans cette allée (жди меня в этом проходе; attendre). Je reviens dans deux minutes (я вернусь через две минуты).
Moi-même je me sauvai dans la rue, et me mis à courir sans savoir où. Il me semblait que quelqu’un me suivait. Quand je revins à moi, je trouvai que Carmen ne m’avait pas quitté.
– Grand niais de canari! me dit-elle, tu ne sais faire que des bêtises. Aussi bien, je te l’ai dit que je te porterais malheur. Allons, il y a remède à tout, quand on a pour bonne amie une Flamande de Rome. Commence à mettre ce mouchoir sur ta tête, et jette-moi ce ceinturon. Attends-moi dans cette allée. Je reviens dans deux minutes.
Elle disparut, et me rapporta bientôt une mante rayée (она исчезла и принесла мне скоро полосатую накидку; disparaître; mante, f – длинная женская накидка; rayer – чертить полосы; rayure, f – полоса) qu’elle était allée chercher je ne sais où (которую она где-то раздобыла: «за которой она сходила не знаю куда»; aller chercher qch – пойти за чем-либо). Elle me fit quitter mon uniforme (она велела мне снять мою военную форму; quitter – покидать; снимать /одежду/), et mettre la mante par-dessus ma chemise (и надеть накидку поверх рубашки). Ainsi accoutré (нарядившись таким образом; accoutrer – вырядить), avec le mouchoir dont elle avait bandé la plaie que j’avais à la tête (с платком, которым она перевязала рану, которая была у меня на голове), je ressemblais assez à un paysan valencien (я вполне походил на крестьянина из Валенсии), comme il y en a à Séville (из тех, что в Севилье), qui viennent vendre leur orgeat de chufas32 (которые приезжают продать чуфовый оршад; orgeat, m – оршад, миндальное молоко). Puis elle me mena dans une maison assez semblable à celle de Dorothée (затем она отвела меня в какой-то дом, похожий на дом Доротеи), au fond d’une petite ruelle (в глубине улочки; fond, m – дно; глубина).