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Simenon, Georges - Un crime en Hollande

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— Je n’ai rien fait !… Je jure que je n’ai rien fait…

Duclos traduisit. Les lèvres pincées, Any fixait la bonne.

— Elle était tout à fait sa maîtresse ?

Mais la servante était incapable de parler. Elle protestait. Elle pleurait. Elle demandait pardon. Elle articulait des mots dévorés à moitié par les sanglots.

— Je ne crois pas ! traduisit enfin le professeur. A ce que je comprends, il la lutinait. Quand il était seul avec elle dans la maison, il tournait autour d’elle à la cuisine… Il l’embrassait… Une fois il a pénétré dans sa chambre comme elle s’habillait… Il lui donnait du chocolat en cachette… Mais pas plus !…

— Elle peut aller se recoucher…

On entendit la jeune fille monter l’escalier. Quelques instants plus tard, il y avait des allées et venues dans sa chambre. Maigret s’adressa à Any.

— Voulez-vous avoir l’obligeance de voir ce qu’elle fait ?

On le sut très vite.

— Elle veut partir tout de suite ! Elle a honte ! Elle ne veut pas rester une heure de plus dans la maison ! Elle demande pardon à ma sœur… Elle dit qu’elle ira à Groningen ou ailleurs, mais qu’elle ne vivra plus à Delfzijl…

Et Any d’ajouter, agressive :

— C’est cela que vous cherchez ?

L’horloge marquait dix heures quarante. Une voix, dans le haut-parleur, annonçait :

— Notre émission est terminée. Bonsoir mesdames, bonsoir mesdemoiselles, bonsoir messieurs…

Puis on entendait une musique lointaine, très assourdie, celle d’un autre poste.

Maigret, nerveusement, coupa le contact et ce fut le silence brutal, absolu. Beetje ne pleurait plus, mais elle continuait à se cacher le visage de ses deux mains.

— La conversation a continué ? questionna le commissaire avec une lassitude sensible.

Personne ne répondit. Les traits étaient encore plus burinés que dans la salle de l’Hôtel Van Hasselt.

— Je vous demande pardon de cette soirée pénible…

Maigret s’adressait surtout à Mme Popinga.

— … mais n’oubliez pas que votre mari était encore en vie… Il était ici, un peu excité par le cognac… Il a dû en boire à nouveau…

— Oui…

— Il était condamné, vous comprenez !… Et par quelqu’un qui le regardait… Et d’autres, qui sont ici en ce moment, refusent de dire ce qu’ils savent, se font ainsi les complices de l’assassin…

Barens eut un hoquet, se mit à trembler.

— N’est-ce pas, Cornélius ?… lui dit Maigret à brûle-pourpoint, en le regardant dans les yeux.

— Non !… Non !… Ce n’est pas vrai…

— Alors, pourquoi tremblez-vous ?…

— Je… je…

Il était sur le point de céder à une nouvelle crise, comme sur le chemin de la ferme.

— Ecoutez-moi !… Il va être l’heure à laquelle Beetje est partie avec Popinga… Vous êtes sorti tout de suite après, Barens… Vous les avez suivis un moment… Vous avez vu quelque chose…

— Non !… Ce n’est pas vrai…

— Attendez !… Après ce triple départ, il ne restait ici que Mme Popinga, Any et le professeur Duclos… Ces trois personnes ont gagné le premier étage…

Any approuva de la tête.

— Chacun est entré dans sa chambre, n’est-ce pas ? Dites-moi ce que vous avez vu, Barens !…

Il s’agita vainement. Maigret le tenait, tout palpitant, sous son regard.

— Non !… Rien !… Rien !…

— Vous n’avez pas vu Oosting, caché derrière un arbre ?

— Non !

— Et pourtant vous avez rôdé autour de la maison… Donc, vous aviez vu quelque chose…

— Je ne sais pas… Je ne veux pas… Non !… C’est impossible !…

Tout le monde le regardait. Lui n’osait regarder personne. Et Maigret, impitoyable :

— C’est d’abord sur la route que vous avez vu quelque chose. Les deux vélos étaient partis… Ils devaient passer à l’endroit éclairé par le phare… Vous étiez jaloux… Vous attendiez… Et vous avez dû attendre longtemps… Un temps qui ne correspondait pas à la longueur du chemin…

— Oui…

— Autrement dit, le couple s’était arrêté dans l’ombre des piles de bois… Ce n’était pas assez pour vous effrayer… Seulement assez pour vous mettre en colère, ou pour vous désespérer… Donc vous avez vu autre chose d’effrayant… Assez effrayant, en tout cas, pour que vous restiez par ici alors qu’il était l’heure de rentrer à l’école… Vous vous trouviez dans la direction du tas de bois… Vous ne pouviez voir qu’une fenêtre…

Du coup, Barens se dressa, affolé, perdant tout contrôle de lui-même.

— Ce n’est pas possible que vous sachiez… Je… je…

— … La fenêtre de Mme Popinga… Il y avait quelqu’un à cette fenêtre… Quelqu’un qui avait vu, comme vous, le couple passer beaucoup trop tard dans le rayon lumineux du phare, quelqu’un qui savait donc que Conrad et Beetje s’étaient arrêtés dans l’ombre, longtemps…

— Moi ! dit avec netteté Mme Popinga.

Et ce fut au tour de Beetje de s’affoler, de la regarder avec des yeux écarquillés par la terreur.


Contrairement à l’attente, Maigret ne posa plus une seule question. Cela créa d’ailleurs un malaise. On avait l’impression qu’arrivé au point culminant, on s’arrêtait soudain.

Et le commissaire allait ouvrir la porte d’entrée, appelait :

— Pijpekamp !… Venez, je vous prie… Laissez Oosting à sa place… Je suppose que vous avez vu les fenêtres des Wienands s’éclairer et s’éteindre… Ils doivent être couchés…

— Oui…

— Et Oosting ?

— Il est resté derrière l’arbre…

L’inspecteur de Groningen regardait autour de lui avec étonnement. Tout était d’un calme incompréhensible. Et les visages étaient des visages de gens ayant passé des nuits et des nuits sans dormir !

— Voulez-vous rester ici un moment ?… Je vais sortir avec Beetje Liewens, comme l’a fait Popinga… Mme Popinga montera dans sa chambre, ainsi qu’Any et le professeur Duclos… Je leur demande de faire les mêmes gestes que l’autre nuit…

Et, se tournant vers Beetje :

— Veuillez venir…

Il faisait frais, dehors. Maigret contourna le bâtiment, trouva dans la remise le vélo de Popinga et deux vélos de femme.

— Prenez-en un…

Puis, tandis qu’ils roulaient doucement sur le chemin de halage, vers le chantier de bois :

— Qui a proposé de s’arrêter ?

— C’est Conrad…

— Il était toujours gai ?

— Non… Dès qu’on a été dehors, j’ai vu qu’il devenait triste…

Les tas de bois étaient déjà atteints.

— Descendons… Il était amoureux ?

— Oui et non… Il était triste… Je crois que c’est à cause du cognac… D’abord, cela lui avait donné de la gaieté… Il m’a prise dans ses bras, ici… Il m’a dit qu’il était très malheureux, que j’étais une bonne petite fille… Oui, il a dit le mot… Que j’étais une bonne petite fille, mais que j’arrivais trop tard et que, si l’on ne prenait pas de précautions, cela finirait par un malheur…

— Les vélos ?…

— Nous les avions appuyés ici… Je sentais qu’il avait envie de pleurer… Je l’avais déjà vu comme ça, des soirs où il avait bu un verre… Il a ajouté qu’il était un homme, que pour lui ça n’avait pas d’importance, mais qu’une jeune fille comme moi ne devait pas jouer sa vie dans une aventure… Puis il jurait qu’il m’aimait bien, qu’il n’avait pas le droit de gâcher ma vie, que Barens était un brave garçon et que je finirais par être heureuse avec lui…

— Alors ?…

Elle respira avec force. Elle éclata.

— J’ai crié qu’il était un lâche et j’ai voulu remonter sur mon vélo…

— Qu’est-ce qu’il a fait ?

— Il tenait le guidon… Il essayait de m’empêcher de partir… Il disait : « Laisse-moi t’expliquer… Ce n’est pas pour moi… C’est… »

— Qu’a-t-il expliqué ?…

— Rien ! Parce que je lui ai déclaré que s’il ne me lâchait pas j’allais crier… Il a lâché… J’ai pédalé… Il m’a suivie, en parlant toujours… Mais je roulais plus vite… Je n’entendais que : « Beetje !… Beetje !… Ecoute un moment… »

— C’est tout ?

— Quand il a vu que j’arrivais à la barrière de la ferme, il a fait demi-tour… Je me suis retournée… Je l’ai aperçu, penché sur sa bicyclette, fort triste…

— Et vous avez couru après lui ?…

— Non !… Je le détestais, parce qu’il voulait me faire épouser Barens… Il voulait être tranquille, n’est-ce pas ?… Seulement, au moment de pousser la porte, je me suis aperçue que je n’avais plus mon écharpe… On pouvait la retrouver… Je suis partie la rechercher… Je n’ai rencontré personne… Mais, quand je suis enfin rentrée à la maison, mon père n’était pas là… Il est revenu plus tard… Il ne m’a pas dit bonsoir… Il était pâle, l’œil méchant… J’ai pensé qu’il nous avait guettés et qu’il était peut-être caché derrière le tas de bois…

» Le lendemain, il a dû fouiller ma chambre… Il a trouvé les lettres de Conrad, car je ne les ai pas revues… Puis il m’a enfermée.

— Venez !

— Où ?…

Il ne répondit même pas. Il roula vers la maison des Popinga. Il y avait de la lumière à la fenêtre de Mme Popinga, mais on n’apercevait pas celle-ci.

— Vous croyez que c’est elle ?

Le commissaire grommelait à part lui :

— Il est revenu comme ceci, inquiet… Il est descendu de machine, sans doute à cet endroit… Il a contourné la maison en tenant son vélo par le guidon… Il sentait sa quiétude menacée, mais il était incapable de fuir avec sa maîtresse…

Et, soudain impératif :

— Restez là, Beetje.

Il conduisit le vélo le long de l’allée qui suivait le bâtiment. Il entra dans la cour, se dirigea vers le hangar où le canot verni dessinait un long fuseau.

La fenêtre de Jean Duclos était éclairée. On devinait le professeur assis devant une petite table. A deux mètres, la fenêtre de la salle de bains, entrouverte, mais dans l’ombre.

— Il ne devait pas être pressé de rentrer… monologua encore Maigret. Il s’est penché, comme ceci, pour glisser le vélo sous le toit…

Il chipotait. Il avait l’air d’attendre quelque chose, en effet, mais quelque chose de saugrenu : un tout petit bruit là-haut, à la fenêtre de la salle de bain, un bruit métallique, le déclic d’un revolver non chargé.

Puis aussitôt une rumeur de combat singulier, la chute de deux corps sur le sol.

Maigret entra dans la maison par la cuisine, monta vivement au premier étage, poussa la porte de la salle de bains et tourna le commutateur électrique.

Deux corps gigotaient par terre : celui de l’inspecteur Pijpekamp et celui de Barens qui, le premier, s’immobilisa tandis que sa main droite, en s’ouvrant, lâchait le revolver.


XI


La fenêtre éclairée

— Imbécile !…

Ce fut le premier mot de Maigret, qui ramassa Barens, dans toute l’acception du mot, le mit debout, le soutint un instant, car sans cela le jeune homme fût sans doute tombé à nouveau. Des portes s’ouvraient. Maigret tonna :

— Que tout le monde descende !

Il avait le revolver à la main. Il le maniait sans précaution, car c’était lui qui avait mis à la place des balles originales des cartouches sans poudre.

Pijpekamp brossait son veston poussiéreux du revers de la main. Jean Duclos questionnait en désignant Barens :

— C’est lui ?…

Le jeune élève de l’Ecole navale était piteux, non comme un grand coupable, mais comme un écolier pris en faute. Il n’osait regarder personne. Il ne savait que faire de ses mains, de son regard.

Maigret alluma les lampes du salon. Any y entra la dernière. Mme Popinga refusa de s’asseoir, et l’on devinait sous la robe que ses genoux tremblaient.

Alors, pour la première fois, on vit le commissaire embarrassé. Il bourra une pipe, l’alluma, la laissa s’éteindre, s’assit dans un fauteuil, mais se leva aussitôt.

— Je me suis mêlé à une affaire qui ne me regardait pas ! dit-il très vite. Un Français était soupçonné et l’on m’a envoyé pour éclaircir l’affaire…

Il ralluma sa pipe, pour se donner le temps de réfléchir. Il se tourna vers Pijpekamp.

— Beetje est dehors, ainsi que son père et Oosting… Il faut leur dire de rentrer chez eux, ou d’entrer… Cela dépend… Est-ce que vous voulez qu’on sache la vérité ?…

L’inspecteur se dirigea vers la porte. Quelques instants plus tard, Beetje entrait, humble et timide, puis Oosting, le front têtu, enfin, en même temps que Pijpekamp, un Liewens blême et farouche.

Alors on vit Maigret ouvrir la porte de la salle à manger. On l’entendit tripoter dans une armoire. Quand il revint, il tenait à la main une bouteille de cognac et un verre.

Il but tout seul. Il était maussade. Tout le monde était debout autour de lui et il semblait intimidé.

— Vous voulez savoir, Pijpekamp ?

Et brutalement :

— Tant pis, n’est-ce pas ?… Oui ! tant pis si votre méthode est la bonne !… Nous sommes de pays différents, de races différentes… Et les climats sont différents… Quand vous avez flairé un drame de famille, vous avez sauté sur le premier témoignage vous permettant de classer l’affaire… Crime d’un matelot étranger !… C’est peut-être préférable pour la santé publique… Pas de scandale !… Pas de mauvais exemple donné par la bourgeoisie au peuple !… Seulement, moi, je revois toujours Popinga, ici même, faisant de la TSF et dansant sous les yeux de l’assassin…

Il grogna, sans regarder personne :

— Le revolver a été trouvé dans la salle de bains… Donc, le coup de feu est parti de l’intérieur. Car c’est idiot de croire que le coupable, son crime accompli, a eu la présence d’esprit de viser une fenêtre entrouverte pour lancer son arme… Et surtout d’aller mettre une casquette dans une baignoire, un bout de cigare dans la salle à manger !…

Il se mit à marcher de long en large, en évitant toujours de regarder ses interlocuteurs. Oosting et Liewens, qui ne le comprenaient pas, le regardaient intensément, pour deviner le sens de son discours.

— Cette casquette, ce bout de cigare, et enfin l’arme prise dans la table de nuit de Popinga lui-même, c’était trop… Vous comprenez ?… On voulait trop prouver… On voulait trop brouiller les cartes… Un Oosting ou n’importe qui venu du dehors eût peut-être laissé la moitié de ces indices mais pas tout !…

» Donc, préméditation… Donc, volonté d’échapper au châtiment…

» Il ne reste qu’à procéder par élimination… Le Baes est éliminé le premier… Quelle raison d’entrer dans la salle à manger d’abord, d’y laisser un cigare, de monter dans la chambre chercher le revolver et enfin de laisser sa casquette dans la baignoire ?…

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