KnigaRead.com/

Владимир Бибихин - Переписка 1992–2004

На нашем сайте KnigaRead.com Вы можете абсолютно бесплатно читать книгу онлайн Владимир Бибихин, "Переписка 1992–2004" бесплатно, без регистрации.
Перейти на страницу:

Entendre en ce mot d’“allégie” cette libération qui est départ vers soi, et nous voilà, je crois, nous‑mêmes en état de comprendre ce que dit “Lichtung” chez Heidegger. Tout comme le verbe “lichten”, ce mot est présent chez lui depuis toujours, et dessine pour ainsi dire l’une des voies de cheminement auxquelles il a été le plus fidèle et qu’il a suivies avec le plus de fruit. “Lichtung”, allégie, en effet, aident — une fois nommées en nos langues — à s’approcher de là où devient possible de penser ce que les Grecs ont éprouvé et appelé: ajlhvqeia — et que la philosophie d’après les Grecs conçoit sous le nom de vérité.

Ce que Jean Beaufret écrit, il importe que nous le comprenions dans son mouvement. Car ce mouvement est tout particulièrement exemplaire. Exemplaire pour nous qui sommes à présent nous aussi après à questionner la technique. Dans la dernière version que j’ai donnée de ce fragment de lettre, j’ai tenté d’en faire paraître la scansion en répétant le verbe sur lequel Jean Beaufret oriente son attention: le verbe “répondre”.

Quand on est vraiment — en questionnant — après la technique, c’est une généalogie très singulière qui vient s’exposer de soi‑même. Mais d’une manière si inhabituelle, que l’on est soudain ailleurs que dans un type connu de discours. Le passage du français à l’allemand n’est que l’indice visible d’un décalage beaucoup plus troublant.

Disons‑le sans circonlocutions: lorsque Jean Beaufret et Heidegger parlent de “secret”, ils se trouvent en réalité l’un comme l’autre absolument ailleurs que là où l’on croit qu’ils sont. “Secret”, n’en déplaise aux simplificateurs, n’a rien à voir avec “mystère”. Le secret auquel nous convie d’avoir attention Jean Beaufret, c’est «das verborgene “Daß”, durch das die ganze Lichtungsgeschichte des Seyns getragen ist.»

“Daß” (en grec o{ti, en latin quod) n’est autre que la conjonction du constat — le constat que c’est ainsi.

Le “que” dont il est ici question, c’est non pas quelque chose par quoi, mais bien: le simple fait que “l’histoire tout entière de l’allégie de l’estre est portée”. Mais ce fait est dit “verborgen”: bien à l’abri en retrait (et non pas “caché” — qui n’a ici strictement aucun sens, sinon incongru).

Parler de l’histoire tout entière de l’allégie de l’estre, formulation qui invite à aller de l’avant, c’est tout aussi bien nommer l’histoire entière de la philosophie, en tant que cette dernière est histoire de la vérité. La vérité, au sein d’une philosophie devenue discipline d’école n’est autre que l’avatar de l’ajlhvqeia des anciens Grecs. Au cœur de l’ajlhvqeia, Heidegger nous convie à penser une ressource de retrait qui n’est autre que le secret- même.

Je voudrais encore rapidement ajouter deux compléments. D’abord, le premier, qui se rattache directement à ce qui vient d’être dit. Si notre technique, en ce qu’elle a de plus secret, est en rapport avec l’histoire philosophique de la vérité, il est aisé de saisir à présent ce qui a n’été qu’effleuré en commençant. Il n’y aura pas d’après la technique au sens de quelque chose qui lui ferait suite — éventuellement pour la remplacer avantageusement — , parce que la technique est bien, dans l’acception stricte du terme, la vérité de notre monde. Avec la technique, l’être humain est au monde comme il ne l’avait encore jamais été avant la technique: car avant la technique, il n’était pas en rapport de vérité au monde.

Mais être en rapport de vérité au monde n’implique justement pas que nous soyons livrés pieds et poings liés au “déchaînement” de la technique. Penser ce qu’elle est, c’est—à-dire être après à la questionner, pour entrer dans le mouvement de sa vérité, ne peut que changer du tout au tout notre rapport à elle. Penser la technique — ce qui s’appelle “penser” — ouvre une échappée sur un rapport libre à la technique, un rapport où nous ne serions tout simplement plus sommés de consommation.

Mais pour cela, il faut penser. J’en viens ainsi au second complément. La dernière phrase de la conférence de 1953 déclare:

«Das Fragen ist die Frömmigkeit des Denkens»

Il s’agit, dans cette dernière phrase, de “questionner” et de “penser”; et il s’agit de ce qui lie les deux, que Heidegger nomme “Frömmigkeit”. Dans les dictionnaires, ce mot est rendu par “piété”. Pourtant, traduire: “Questionner est la piété de la pensée” est impossible; pas seulement parce que cela donne de quoi ricaner à certains imbéciles, mais pour une raison de fond: la piété — la pietas romaine — contient, indissolublement liée à elle, un élément de ritualité qui n’est tout simplement plus à la mesure du temps où nous vivons.

Une page avant la dernière, Heidegger prend soin d’expliquer ce que signifie “fromm” (l’adjectif d’où est tiré “Frömmigkeit”). Il écrit: “fromm, provmo", d. h. fügsam dem Walten und Verwahren der Wahrheit.” Tout en s’appuyant sur le mot grec provmo", Heidegger revient néanmoins à ce temps qui est nôtre, et décrit par conséquent, si cela pouvait se dire, une “piété non rituelle”. Elle est “fügsam” — en première approximation: “docile”. Mais plutôt qu’une docilité, il faudrait entendre ici une “docibilité”, c’est—à-dire la disposition étonnante à se laisser apprendre de ce qu’il s’agit de savoir comment il convient de s’en approcher. Traduisons:

«fromm, provmo", c’est—à-dire docilisé, rendu souple et apte à prendre sa forme du règne souverain de la vérité, et de ce que vous en demande la peine de la prendre en garde.»

Provmo" — chez Homère, c’est celui qui, à la bataille, se porte en avant, celui qui sort des lignes pour affronter un adversaire seul à seul.

Dans sa traduction de la Bible, Luther nomme “fromm” le Patriarche Noé, que la Vulgate qualifie de “vir justus”. Olga Sedakôva, poète russe, notre contemporaine, évoque dans le texte qui s’intitule Voyage à Dorpat et retour une cérémonie funèbre à l’Université de cette ville, où le cortège du monde académique passe devant le cercueil d’un savant qui avait joué un rôle éminent dans le maintien du niveau spirituel à l’époque du socialisme réel. “Une cérémonie séculière, écrit‑elle, élevée grâce à une vieille tradition universitaire au rang d’une autre, une non‑ecclésiale blago©estie [blagotchestié]: pietas.”

Même cette piété non‑ecclésiale ne parvient pas à rendre comme il faut la “Frömmigkeit” de la pensée. Cette dernière n’est pas seulement, comme la pietas, commémoration rituelle. Autrefois, pour traduire cette “Frömmigkeit” j’ai risqué le mot de: “prouesse”. Mais “prouesse” ne dit pas assez que sortir du rang, en l’occurrence, n’est pas du ressort de la seule audace, mais obéit à une injonction plus profonde, celle où il faut aller de l’avant pour regagner une proximité perdue. Je crois que suffira pour nous autres aujourd’hui: la prouesse d’endurance.

C’est de cela qu’il s’agit avec la question de la technique: sans cesse se remettre à regagner la proximité de ce qui s’éloigne tellement, que nous finissons par ne plus voir cet éloignement que sous le masque grimaçant d’une menace de mort. Mais la technique en elle‑même n’est pas plus menace de mort qu’elle n’est promesse de merveilles. Envisagée comme il sied, elle se montre comme elle n’a cessé d’être: comme vérité qui nous regarde, c’est—à-dire demande — sans la moindre sommation — qu’en retour nous la prenions en garde. Mais prendre en garde, à l’époque où nous sommes, ne se peut plus autrement qu’en recommençant chaque jour tout l’itinéraire à neuf. Telle est la prouesse d’endurance que demande de nous aujourd’hui l’intelligence de la technique.

françois fédier

Приложение 2

О. А. С., презентация двухтомника в Центре русского зарубежья на Таганке 5.2.2002[103].

В ранних стихах двухтомника, на страницы первого тома которого я буду ссылаться, смелость и готовность рисковать очень велики, настолько, что война против целого мира не исключается, скорее наоборот, предполагается. Она даже отчетливо объявлена, как например на с. 364, где Я приравнено к жизни и одновременно к непрощенью.

Рядом с этим восстанием и связанная с решимостью на риск в ранних стихах есть другое, противоположное желание опоры на надежное. Но когда движение, как в стихах, на которые я сейчас сослался, «Я жизнь в порыве жить» на с. 364, хочет быть вихрем, сквозняком, то надежную опору оно может искать только в самом себе. Оно доверяет мгновенным искрам, ничему другому, и прочности ищет только в еще большей быстроте, надеется исключительно на сцепление искр, на поддержку движения самим движением. Опора порыва на самого себя подчеркивается этимологическими фигурами, которых в трех коротких строфах, если считать повторы, пять. Такие обороты речи, как «погоня за гоненьем», предполагают успокоенность в быстром движении от самой быстроты этого движения.

Воля к закреплению порыва показывает, что пишущий занят каким‑то строительством. Оно происходит в невидимом и имеет непрямое отношение к составлению стихов. Перед нами по — настоящему таким образом не стихи. В них записываются те слова, которые не мешают ведущейся основной работе и обозначают ее условно, как пунктиры для себя.

Какое‑то дело развертывается и не там, где складываются слова, и даже не там, где расположены душа и подобные вещи. Всё человеческое скорее испугано тем, как развертывается дело, о чем читаем, например, в ранних стихах на с. 383, где о душе сказано, что она ни жива ни мертва и с трудом выносит большие вещи, открываемые видением. Типографский прием оставлять при публикации поэтов часть полосы пустой, — прием, наверное, не обязательный в случае, когда пишущий докладывает в словах всё то, что имеет сказать. — здесь, в этой книге, оставленные пробелы хорошо напоминают, что главное происходит без словесного описания.

Какое‑то дело делается без пояснений. Слова им задеты так, как в старом символе ветер иногда задевает музыкальный инструмент, и он согласно звучит, если конечно не расстроен.

Из‑за того, что слова этих стихов призваны не столько описать, сколько не сорвать идущую работу, тексты их закрыты. Имена вещей и лиц, втянутых в работу, не разглашены. Работа идет с незапамятных времен, когда она — в раннем детстве — вообще не могла быть понятной, но и тогда шла и теперь под знаком обязательности. Выбора путей, вариантов здесь нет, потому что единственная желанная свобода — это свобода поступить правильно.

Таким образом, не человек выбрал тут себе дело, а дело выбрало человека рано. В стихах 1973 года на с. 385, где вспоминается о посетителях в детстве, — параллельное воспоминание в стихах «Детство» на с. 366, — посетители приходят как птицы неизвестно откуда, говорят непонятно что, обещают неопределенное. Посетители вестники, которые сами не знает, чего они вестники и для чего несут весть. Как странно появились, они и растворяются, исчезая в веществе. Но то, что они, появившись, таким невнятным образом поручили, необходимо надо теперь выполнять. Уже ни вспомнить, ни забыть их сообщение нельзя.

Стихи, всегда служебные по отношению к делаемому делу, строятся как гнездо для важных целей из подручного вещества, из любого сора, который склеивается особым своим клеем. Чтобы служить главному делу, гнездо должно быть неприметным, как сказано, не мешать своему назначению.

Структура гнезда, каким служат стихи, нужна, чтобы живое не распалось и сохранилось. Что бы ни было завещано ранними посетителями, весть задевает тело и проходит через него, как сказано в ранней балладе или небольшой поэме «Тень», где на с. 399 передано воспоминание о еще гораздо более раннем времени: Еще тогда я видела ее. Она могла мне быть сестрою старшей, но слаще и опасней. С первых слов я поняла, что больше мне не жить среди моих ровесников, что больше удачи в жизни мне не увидать. и особенно то, что сказано дальше.

Перейти на страницу:
Прокомментировать
Подтвердите что вы не робот:*