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Александр Герцен - Том 6. С того берега. Долг прежде всего

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Tschaadaeff avait tort en beaucoup de points, mais sa plainte était légitime et sa voix avait fait entendre une terrible vérité. C'est là ce qui explique son immense retentissement. A cette époque, tout ce qui est de quelque importance en littérature prend un nouveau caractère. C'en est fait de l'imitation des Français et des Allemands, la pensée se concentre et s'envenime; un désespoir plus amer et une plus amère ironie de son propre destin éclate partout, aussi bien dans les vers de Lermontoff que dans le rire moqueur de Gogol, rire, sous lequel, suivant l'expression de l'auteur, se cachent les larmes.

Si les éléments de la vie nouvelle et du mouvement restèrent alors isolés; s'ils n'arrivèrent pas à cette unité qui régnait avant le 26 décembre, c'est, avant tout, que les questions les plus importantes devinrent beaucoup plus complexes et plus profondes. Tous les hommes sérieux comprirent qu'il ne suffisait plus de se traîner à la remorque de l'Europe, qu'il existe en Russie quelque chose qui lui est propre et particulier, et qu'il faut nécessairement étudier et comprendre dans le passé et dans le présent.

Les uns, dans ce qui est propre à la Russie, ne virent rien d'hostile ni d'antipathique aux institutions de l'Europe; loin de là, ils prévoyaient le temps, où la Russie, au-delà de la période de Pétersbourg, et l'Europe, au-delà du constitutionnalisme, viendraient à se rencontrer. Les autres, au contraire, rejetant sur le caractère antinational du gouvernement tout le poids de la situation présente, confondirent dans une même haine tout ce qui tient à l'Occident.

Pétersbourg enseigna à ces hommes à mépriser toute civilisation, tout progrès; ils voulaient retourner aux formes étroites des temps qui avaient précédé Pierre Ier, et dans lesquels la vie russe se trouverait de nouveau à peu près étranglée. Heureusement, le chemin, pour revenir à la vieille Russie, s'est depuis longtemps couvert d'une épaisse forêt, et ni les slavophiles ni le gouvernement ne réussiront à la raser.

La lutte de ces partis, a, depuis dix ans, donné à la littérature une nouvelle vie; les journaux ont vu s'accroître considérablement le nombre de leurs souscripteurs, et, aux cours d'histoire, les bancs de l'université de Moscou rompaient sous la foule des auditeurs. N'oubliez pas que, dans l'excessive pauvreté d'organes de l'opinion publique, les questions de littérature et de science se sont transformées en une arène pour les partis politiques. Tel était l'état de choses lorsque la Révolution, de Février éclata.

Le gouvernement, d'abord étourdi, ne fit rien, mais lorsqu'il vit l'allure humble et soumise de la modeste République, il reprit bientôt ses sens. Le gouvernement russe déclara hautement qu'il se considérait comme le champion du principe monarchique et, présageant la solidarité de la civilisation avec la Révolution (à l'exemple de l'Assemblée Nationale française) il ne cacha pas qu'il était prêt à tout sacrifier pour la cause de l'ordre. Le gouvernement russe, avec plus d'énergie que cette Assemblée, marcha, dans sa cynique hardiesse, à l'anéantissement de la civilisation et du progrès.

Qu'en adviendra-t-il?.. En Russie, peut-être, la ruine de tout élément civilisateur. Epouvantable résultat! Mais la Russie n'en sera pas abîmée pour cela. Il est même fort possible que ce résultat devienne, pour le Peuple, le signal du réveil, et que s'ouvre alors une nouvelle ère pour la justice et les droits du Peuple.

Le gouvernement, en attendant, semble avoir oublié, qu'il est né à Pétersbourg, qu'il est le gouvernement de la Russie civilisée; qu'il est lié, lui aussi, par les gages qu'il a donné à la civilisation européenne, et qu'en dépit de ses airs actuels d'orthodoxie et de nationalité, le paysan russe le regarde toujours comme allemand.

Le sort du trône de Pétersbourg – admirez la sublime ironie! – est lié à la civilisation; en l'anéantissant il se précipite dans un abîme effroyable, et s'il la laisse grandir, il tombe dans un autre abîme. – Il est possible, d'ailleurs, que la Russie, par suite d'une oppression intolérable, se décompose en un grand nombre de parties; peut-être aussi se précipitera-t-elle tout simplement en avant, et, dans son impatience, secouera-t-elle, de dessus son dos vigoureux, les cavaliers maladroits. Tout cela est encore dans l'avenir, et je ne suis pas maître dans l'art de la divination.

Après tout ce que j'ai dit, voilà la question que l'on s'adresse involontairement. Quelle idée, quelle pensée apporte donc ce Peuple dans l'histoire? Jusqu'à présent, nous voyons seulement qu'il se présente lui-même, et c'est là, d'ordinaire, la condition de tout ce qui n'a pas encore mûri. Quelle idée apporte un enfant dans la famille? Rien autre chose que la faculté, la disposition, la possibilité d'un développement. Quant à savoir si cette possibilité existe, si les mucles de l'enfant sont vigoureux, si ses facultés y répondent, ce sont là des questions abandonnées à notre examen. Et voilà précisément pourquoi j'insiste aujourd'hui plus que jamais sur la nécessité d'étudier la Russie.

En face de l'Europe, dont les forces se sont épuisées à travers les luttes d'une longue vie, se pose un Peuple, dont l'existence commence à peine, et qui, sous la dure écorce extérieure du tzarisme et de l'impérialisme, a grandi et s'est développé, comme les cristaux croissent sous une géode; l'écorce du tzarisme moscovite est tombée, aussitôt qu'elle est devenue inutile; l'écorce de l'impérialisme adhère encore moins fortement à l'arbre.

Il est vrai que, jusqu'à présent, le Peuple russe ne s'est en rien occupé de la question de gouvernement; sa foi a été celle d'un enfant, sa soumission toute passive. Il ne s'est réservé qu'un seul fort, resté debout à travers tous les âges: c'est sa commune rurale, et par là il est plus près d'une Révolution sociale que d'une Révolution politique. La Russie naît à la vie comme Peuple, le dernier de tous, encore plein de jeunesse et d'activité à une époque, où les autres Peuples veulent du repos; il apparaît dans l'orgueil de sa force à une époque, où les autres Peuples se sentent fatigués et sur leur déclin. Son passé a été pauvre, son présent est monstrueux; il est vrai que cela ne constitue encor aucuns droits.

Grand nombre de Peuples ont disparu de la scène de l'histoire, sans avoir vécu dans toute la plénitude de la vie; mais ils n'avaient pas, comme la Russie, des prétentions aussi colossales sur l'avenir. Vous le savez: dans l'histoire on ne peut pas dire tarde venientibus ossa, au contraire, les meilleurs fruits leur sont réservés, s'ils sont capables de s'en nourrir. Et c'est ici la grande question.

La force du Peuple russe est avouée de toute l'Europe par la crainte même qu'il lui inspire; il a montré ce dont il est capable dans la période de Pétersbourg; il a beaucoup fait, et cela, malgré les chaînes dont ses mains étaient chargées: chose étrange et vraie cependant, comme il est vrai que d'autres peuples, pauvrement doués, ont consumé des siècles entiers sans rien faire, quoique jouissant d'une pleine liberté. La justice n'appartient pas aux qualités eminentes de l'histoire; la justice est trop sage et trop prosaïque, tandis que la vie, dans son développement, est au contraire capricieuse et poétique. Au point de vue de l'histoire, la justice donne à qui n'a pas mérité; le mérite trouve d'ailleurs sa récompense dans le service même qu'il a rendu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Voilà, mon cher ami, tout ce que je voulais vous dire pour cette fois. Je pourrais fort bien terminer ici, mais il me vient à cette heure une pensée bizarre: c'est qu'il se rencontrera.quantité de bonnes gens, d'oreille un peu dure, qui verront dans ma lettre un patriotisme exclusif, une préférence pour la Russie, et qui s'écrieront là-dessus qu'ils avaient conçu de ce pays une tout autre idée.

Oui, j'aime la Russie.

En général, je regarde comme impossible ou comme inutile d'écrire sur un sujet, pour lequel on ne ressent ni amour ni haine. Mais mon amour n'est point le sentiment bestial de l'habitude; ce n'est point cet instinct naturel dont on a fait la vertu du patriotisme; j'aime la Russie parce que je la connais, avec conscience, avec raison. Il y a aussi beaucoup de choses en Russie que je hais sans mesure et avec toute la puissance d'une première haine. Je ne dissimule ni l'un, ni l'autre.

En Europe on ne connaît point du tout la Russie; en Russie on connaît très mal l'Europe. Il fut un temps où, en présence des Monts-Ourals, je me faisais de l'Europe une idée fantastique; je croyais à l'Europe et surtout à la France. Je profitai du premier moment de liberté pour venir à Paris.

C'était encore avant la Révolution de Février. Je considérai les choses d'un peu plus près et je rougis de ma prévention. Maintenant je suis furieux de l'injustice de ces publicistes au cœur étroit qui ne reconnaissent le tzarisme que sous le 59e degré de latitude boréale. Pourquoi ces deux mesures? Injuriez tant qu'il vous plaira, et accablez de reproches l'absolutisme de Pétersbourg et la persévérance de notre résignation; mais injuriez partout et reconnaissez le despotisme sous quelque forme qu'il se présente, s'appelât-il président d'une République, gouvernement provisoire ou Assemblée nationale.

C'est une honte, en l'an 1849, après avoir perdu tout ce qu'on avait espéré, tout ce qu'on avait acquis, à côté des cadavres de ceux qui sont tombés et que l'on a fusillés, a côté de ceux que l'on a enchaînés et déportés, à l'aspect de ces malheureux, chassés de contrée en contrée, à qui on donne l'hospitalité comme aux Juifs dans le moyen-âge, à qui l'on jette, comme aux chiens, un morceau de pain pour les obliger ensuite à poursuivre leur chemin: en l'an 1849, dis-je, c'est une honte de s'arrêter au point de vue étroit du constitutionnalisme libéral, de cet amour platonique et stérile pour la politique.

L'illusion d'optique, au moyen de laquelle on donnait à l'esclavage l'aspect de la liberté, s'est évanouie; les masques sont tombés, nous savons maintenant, au juste, ce que vaut la liberté républicaine de la France et la liberté constitutionnelle de l'Allemagne; nous voyons maintenant (ou, si nous ne le voyons pas, c'est notre faute), que tous les gouvernements subsistants, depuis le plus modeste canton en Suisse jusqu'à l'autocrate de toutes les Russies, ne sont que des variations d'un seul et même thème.

“Il faut sacrifier la liberté a l'ordre, l'individu a la société; donc, plus le gouvernement est fort, mieux cela vaut».

Encore une fois: s'il est horrible de vivre en Russie, il est tout aussi horrible de vivre en Europe. Pourquoi donc ai-je quitté la Russie? Pour répondre à cette question, je vous traduirai quelques paroles de ma lettre d'adieux à mes amis: «Ne vous y trompez pas! Je n'ai trouvé ici ni joie, ni distraction, ni repos, ni sécurité personnelle; je ne puis même imaginer que personne aujourd'hui puisse trouver en Europe ni repos, ni joie. La tristesse respire dans chaque mot de mes lettres. La vie ici est très pénible.

«Je ne crois ici à rien qu'au mouvement; je ne plains rien ici que les victimes; je n'aime rien ici que ce que l'on persécute; et je n'estime rien que ce que l'on supplicie, et cependant je reste. Je reste pour souffrir doublement de notre douleur et de celle que je trouve ici, peut-être pour être abîmé dans la dissolution générale. Je reste, parce que la lutte ici est ouverte, parce qu'ici elle a une voix.

Malheur à celui qui est ici vaincu! Mais il ne succombe pas sans avoir fait entendre sa voix, sans avoir éprouvé sa force dans le combat; et c'est à cause de cette voix, à cause de cette lutte ouverte, à cause de cette publicité que je reste ici».

Voilà ce que j'écrivais le 1er mars 1849. Les choses, depuis lors, ont bien changé. Le privilège de se faire entendre et de combattre publiquement s'amoindrit chaque jour davantage; l'Europe, chaque jour davantage, devient semblable à Pétersbourg; il y a même des contrées qui ressemblent plus à Pétersbourg que la Russie même. Les Hongrois le savent, eux qui se sont réfugiés, dans le délire de leur désespoir, sous la protection des drapeaux russes…

Et si l'on en vient ici à nous mettre aussi un bâillon sur la bouche, et que l'oppression ne nous permette pas même de maudire à haute voix nos oppresseurs, je m'en irai alors en Amérique. Homme, je sacrifierai tout à la dignité de l'homme et à la liberté de la parole.

Probablement vous viendrez m'y rejoindre?..


Londres, le 25 août 1849.

Россия*

Г. Г-гу

<I>

Дорогой друг. Вам хотелось ознакомиться с моими русскими размышлениями об истории современных событий: вот они. Охотно посылаю их вам. Ничего нового вы в них не найдете. Это все те же предметы, о которых мы с вами так часто и с такой грустью беседовали, что трудно было бы к ним что-либо прибавить. Тело ваше, правда, еще привязано к этому косному и дряхлому миру, в котором вы живете, но душа ваша уже покинула его, чтоб осмотреться и сосредоточиться. Вы достигли, таким образом, той же точки, что и я, удалившийся от мира несовершенного, еще погруженного в детский сон и себя не осознавшего.

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