Гийом Аполлинер - Мост Мирабо
* * *(Вечерней мгле вовек не одолеть рассвета…)
Вечерней мгле вовек не одолеть рассвета
Нас тешат сумерки но жизнь дают утра
Смешна незыблемость Мошна и камень это
Те самые ключи что сякнут Мне пора
Ладони окунуть в источник счастья
LA CUEILLETTE
Nous vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
Roses pâles d'amour qui couronnent ta tête,
S'effeuillent chaque été?
Leurs tiges vont plier au grand vent qui s'élève.
Des pétales de rose ont chu dans le chemin.
О Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
Se faneront demain!
Mets-les dans une coupe et toutes portes closes,
Alanguis et cruels, songeant aux jours défunts,
Nous verrons l'agonie amoureuse des roses
Aux râles de parfums.
Le grand jardin est défleuri, mon égoïste,
Les papillons de jour vers d'autres fleurs ont fui,
Et seuls dorénavant viendront au jardin triste
Les papillons de nuit.
Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
Belle, sanglote un peu… Chaque fleur qui se fane,
C'est un amour qui meurt!
СБОР ЦВЕТОВ[9]
Мы в этот пышный сад пришли нарвать букеты.
Красавица моя, ты видишь, сколько их,
Всех этих роз любви, не переживших лето,
Поблекших и нагих?
Их стебли гнутся и под ветром на аллеи
Роняют лепестки, — уходит время роз.
Красавица моя, сорви же их скорее,
Соцветья наших грез!
Запри покрепче дверь и кинь бутоны в кубок:
Жестока и нежна, пускай любовь глядит
На их агонию, — с цветов, как с алых губок,
Хрип запахов слетит!
Сад-себялюбец отцветает, и в долине
Дневные бабочки рассеялись, легки.
Одни в его тоску слетаются отныне
Ночные мотыльки.
И в нашей комнате без воздуха и света
Роняют розы скорбь, спеша сгореть дотла.
Красавица, поплачь… Цветок увядший — это
Любовь, что умерла!
LES DICTS D'AMOUR À LINDA
ЛЮБОВНЫЕ ДИКТОВКИ ДЛЯ ЛИНДЫ
* * *(Votre nom très païen, un peu prétentieux…)
Votre nom très païen, un peu prétentieux,
Parce que c'est le vôtre en est délicieux;
Il veut dire «jolie» en espagnol, et comme
Vous l'êtes, on dit vrai chaque fois qu'on vous nomme.
Ce nom devient mélancolique en allemand,
Aux brises de l'Avril, il bruisse doucement,
C'est le tilleul lyrique, un arbre de légende,
D'où, chaque nuit, des lutins fous sortent en bande.
Enfin, ce rare nom qui dit votre beauté,
Ce fut aussi le nom d'une antique cité
Qui florissait jadis parmi les roses belles
Dans Rhodes, l'île où roucoulent les colombelles.
* * *(У вас языческое имя и чуть-чуть…)[10]
У вас языческое имя и чуть-чуть
Претенциозное — и в этом ваша суть;
Оно как раз для вас и тайн своих не прячет:
В испанском языке «хорошенькая» значит
И дышит нежностью в немецком языке —
Оно готово на апрельском ветерке
Волшебной липою, певучей, обернуться,
В чьем легком шелесте ночные духи вьются.
Оно красивей всех известных мне имен!
Им в Древней Греции был город наречен:
Он некогда расцвел, подобный райским кущам,
Среди цветущих роз на Родосе поющем.
* * *(L'ombre de la très douce est évoquée ici…)
* * *(Легчайшей тенью вы слетаете опять…)
* * *(Ville presque morte, ô Cité…)
Ville presque morte, ô Cité
Qui languis au soleil d'été,
Toi dont le nom putride étonne,
Tu symbolises la très Bonne,
La très Douce, sans vanité,
Qui n'a jamais compris personne,
La toujours Belle qui se tait,
L'Adorable que je couronne,
La toute Ombreuse dolemment
Comme une ville ombreuse et coite,
La toute Brune jamais droite,
Toujours penchée exquisement.
J'ai vu ses lèvres d'anémone
Mais point son Cœur, à la très Bonne.
Je n'ai jamais vu Carcassonne.
* * *(Почти погост, вороний град…)[11]
Почти погост, вороний град,
Тоска и зной тебя томят.
Как ты, столь странно нареченный,
Соединен с моей Мадонной,
С моей Смиренницей, чей взгляд
Опущен долу, потаенный?
Ту, чьи уста всегда молчат,
Я увенчать готов короной.
Печальница, сама как тень,
Как сонный город в жаркий день,
Темноволосая Тихоня, —
Я видел, этот ротик ал,
Подобно свежей анемоне;
Жаль, что я сердца не видал
И вовсе не был в Каркассоне.
LA FORCE DU MIROIR
J'étais, indigne, un jour, en la chambre au lit blanc
Où Linda dans la glace admirait sa figure
Et j'emportai, grâce au miroir, en m'en allant,
La première raison de devenir parjure.
Linda fut non pareille avant, mais aujourd'hui
Ja sais bien quelle est double au moins, grâce à la glace;
Mon cœur par la raison où son amour l'induit
Est parjure à présent pour la seconde face.
Or, depuis ce jour-là, j'ai souvent comparé
Dans la chambre оù la glace accepte un pur mirage,
La face de Linda, le visage miré,
Mais mon cœur pour élire a manqué de courage.
Si, parjure toujours, pour choisir j'ai douté,
Ce n'est pas qu'au miroir la dame soit plus belle;
Je l'adore pourtant d'être en réalité
Et parce qu'elle meurt quand veut sa sœur formelle.
J'adore de Linda ce spécieux reflet
Qui la simule toute et presque fabuleuse,
Mais vivante vraiment, moderne comme elle est:
La dame du miroir est si miraculeuse!
Et la glace оù se fige un réel mouvement
Reste froide malgré son détestable ouvrage.
La force du miroir trompa plus d'un amant
Qui crut aimer sa belle et n'aima qu'un mirage.
СИЛА ЗЕРКАЛА
Презренный, как-то раз я подглядел тайком,
Как Линда в зеркале собою восхищалась.
И вот я покорен прекрасным двойником —
Изменника во мне открыла эта шалость.
Я прежде полагал, что нет ей равных, но
Мне зеркало в тот миг на все глаза открыло;
И сердце дрогнуло мое, соблазнено
Лицом, которое теперь мне тоже мило.
С тех пор я сравнивать пытаюсь без конца,
Едва захочется ей в зеркало всмотреться,
Два вожделенные, два юные лица,
Но выбрать не могу — нет смелости у сердца.
Да, я в сомнении твержу себе: ответь,
Неужто копия милей оригинала?
Я вижу, что она готова умереть,
Чтобы еще живей ее сестра предстала.
Я попросту пленен волшебным двойником,
Всей этой точностью, почти невыносимой,
Всей этой живостью и лживостью притом
И каждой черточкой, мучительно красивой!
Но жизни не дано расплавить льда зеркал,
Все застывает в нем — и зеркало без меры
Не раз дурачило того, кто полагал,
Что любит женщину, но был в плену химеры.
LE TRÉSOR
Jadis, jadis vivait m'amie
Une princesse aux cheveux d'or,
En quel pays? Ne le sais mie.
Jadis, jadis vivait m'amie
La fée Yra, son ennemie,
Qui changea la belle en trésor.
Jadis, jadis vivait m'amie
Une princesse aux cheveux d'or.
En un trésor caché sous terre
La fée, au temps bleu des lilas,
Changea la belle de naguère
En un trésor caché sous terre.
La belle pleurait solitaire:
Elle pleurait sans nul soulas
En un trésor caché sous terre:
C'était au temps bleu des lilas.
De la mousse je suis la fée,
Dit à la princesse une voix,
Une voix très douce, étouffée,
De la mousse je suis la fée,
D'un bleu myosotis coiffée.
Pauvrette! En quel état vous vois!
De la mousse je suis la fée,
Dit à la princesse une voix.
Par un homme jeune et fidèle
Seront sauvés vos yeux taris,
Dit cette fée à voix d'oiselle,
Par un homme jeune et fidèle
Qui vous désirera, ma belle,
Et pour l'or n'aura que mépris,
Par un homme jeune et fidèle
Seront sauves vos yeux taris.
Cent ans attendit la princesse.
Un jour quelqu'un passa par là,
Chevalier de haute prouesse,
— Cent ans l'attendit la princesse —
Brave, invaincu, mais sans richesse,
Qui prit tout l'or et s'en alla.
Cent ans attendit la princesse.
Un jour quelqu'un passa par là.
La pauvre princesse invisible
Fut mise en la bourse de cuir;
La pauvre princesse sensible,
Adorable, mais invisible.
Un brigand tua l'invincible,
Prit la bourse et se mit à fuir.
La pauvre princesse invisible
Pleurait dans la bourse de cuir.
Elle pleurait d'être en servage
Et de ne pas pouvoir crier.
Le grand vent du Nord faisait rage
— Elle pleurait d'être en servage —
Mais un homme vit le carnage,
Vint et tua le meurtrier.
Elle pleurait d'être en servage
Et de ne pas pouvoir crier.
Le sauveur, un pauvre poète,
Dit: «Onc homme tel trésor eut;
Mais j'en fais fi! Je suis très bête,
Un sauveur, un pauvre poète!
J'aimerais mieux une fillette.»
Alors la princesse apparut.
Le sauveur, un pauvre poète,
Dit: «Onc homme tel trésor eut!»
Et voilà l'histoire, m'amie,
De la princesse aux cheveux d'or.
Quel est son nom? Ne le sais mie.
Et voilà l'histoire, m'amie,
De celle que son ennemie
Changea jadis en un trésor.
Et voilà l'histoire, m'amie,
De la Princesse aux cheveux d'or.
КЛАД