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Марина Цветаева - Если душа родилась крылатой

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Poemes pour Blok

1

Ton nom — un oiseau dans la main,
Un glac  on sur la langue — ton nom,
Un seul mouvement des le`vres,
Ton nom — quatre lettres.
Un petit ballon, saisi au vol,
Un grelot d’argent dans la bouche.
Il jaillit dans un sanglot, ton nom,
Et d’une pierre jeteґe dans un eґtang.
Il brille, il gronde, la nuit, ton nom
Dans un leґger cliquetis de sabots.
Et le claquement sonore du fusil
Le soulignera sur notre tempe.
Ton nom — Ah, l’impossible! —
Un baiser sur les уeux, ton nom,
Sur le gel tendre des paupie`res immobiles.
Ton nom — un baiser sur la neige,
Une glaciale gorgeґe bleue — a` la source...
Avec ton nom, le sommeil est profond.

2

Tendre fanto  me,
Chevalier sans reproches,
Qui t’a appeleґ
Dans ma jeune vie?
Dans la brume bleue,
Debout, en chasuble
De neige.
Ce n’est pas le vent, qui
Me poursuit a` travers la ville,
Cela fait trois soirs, deґja`,
Que je sens l’ennemi.
Il m’a envou  teґe,
Le chantre de neige
Aux yeux bleus.
Et le cygne de neige eґtend
Ses ailes sous mes pieds.
Les plumes s’eґtalent et
S’alte`rent sur la neige.
J’avance sur les plumes,
Ainsi, vers la porte,
Et, au-dela`, la mort.
Par les fene  tres bleues,
Il chante pour moi,
Il chante pour moi,
De ses lointains grelots.
Et son appel:
Un long cri, puis
La voix du cygne.
Tendre fanto  me!
Je sais, je vois tout en re  ves.
Fais-moi cette gra  ce: amen,
Amen, tombe en poussie`re!
Amen.

3

Tu passes a` l’ouest du soleil,
Tu vois la lumie`re du soir,
Tu passes a` l’ouest du soleil,
Et la neige en rafale couvre tes pas.
Devant mes fene  tres, indiffeґrent —
Tu passeras, dans le silence et la neige,
Mon homme de Dieu, juste et magnifique,
Douce lumie`re de mon a  me.
Je ne convoite pas ton a  me!
Ton chemin reste a` l’eґcart.
Et je n’enfoncerai pas mon clou
Dans ta main, pa  le de baisers.
Je ne t’appelerai pas par ton nom,
Je ne te tendrai pas les bras,
Je m’inclinerai, de loin,
Devant la Sainte face de cire
Et sous la neige lente, dans la neige,
Je me mettrai a` genoux, et,
En ton nom sacreґ,
J’embrasserai la neige du soir.
La`, ou`, majestueusement,
Tu es passeґ, dans un silence de mort,
Douce lumie`re, — gloire des saints —
Dans la possession de mon a  me.

4

Pour l’animal — sa tanie`re,
Pour le voyageur — son chemin,
Pour le mort — son corbillard,
Pour chacun — son du  .
Aux femmes — la ruse,
Au tzar — l’eґtat,
A moi — la glorification
De ton nom.

5

Chez moi a` Moscou — brillent les coupoles,
Chez moi a` Moscou — les cloches sonnent,
Et les seґpultures, chez moi, sont aligneґes, —
Y dorment les tzarines et les tzars.
Tu ne sais pas, toi, qu’a` l’aube, au Kremlin,
On respire plus a` l’aise — que partout ailleurs!
Tu ne sais pas, toi, qu’a` l’aube, au Kremlin,
Et jusqu’a` l’aube, je te prie comme un dieu.
Et tu passes au-dessus de la Neva,
Au moment ou`, au-dessus de la Moscova,
Je me tiens te  te baisseґe,
Et les reґverbe`res tombent de sommeil.
De toute mon insomnie je t’aime,
De toute mon insomnie je t’eґcoute —
Lorsque partout dans le Kremlin
S’eґveillent les carillonneurs.
Mais mon fleuve — avec ton fleuve,
Mais ma main — avec ta main
Ne se rencontrent pas, o ma Joie,
Tant que l’aube n’a pas rejoint l’aube nouvelle.

6

On pensait — un homme!
On l’a fait mourir.
Il est mort. A jamais.
— Pleurez sur l’ange mort!
A la fin du jour,
Il chantait la beauteґ du soir.
Trois flammes de cire
Tressaillent, superstitieusement.
Des rayons eґmanaient de lui —
Cordes bru  lantes sur la neige.
Et trois cierges de cire — et
Le tout au soleil! Au porteur de lumie`re!
O, regardez — comment les sombres
Paupie`res se sont enfonceґes!
O, regardez — comment
Ses ailes se sont briseґes!
Le reґcitant noir reґcite,
Les gens oisifs fla  nent...
— Le chantre mort repose
Et ceґle`bre la reґsurrection.

7

Probablement — derrie`re ce petit bois
Le village, ou` je vivais.
Probablement — l’amour est plus simple,
Il est plus facile, que je ne croyais.
Oheґ! — Les diables, crevez donc!
Il s’est souleveґ, il a leveґ — le fouet —
Et, apre`s l’injure — le coup, cinglant,
Et, de nouveau, les grelots chantent.
Au-dessus des bleґs faiblissants, miseґrables,
La perche se dresse — et apre`s elle une autre perche,
Et le fil de fer haut dans le ciel chante,
Et il chante la mort.

8

Et une nueґe de mouches autour de haridelles indiffeґrentes,
Et le cher andrinople de Kalouga gonfleґ par le vent,
Et le cri des cailles, et le grand ciel, et
Le flot des choches par-dessus le flot des bleґs,
Et les parlotes: les Allemands, — c’est assez mais jusqu’ou`! —
Et la croix tre`s jaune derrie`re le petit bois bleu,
Et la douce chaleur, et un tel eґclat en tout,
Et ton nom, qui sonne comme: Ange.

9

Faible rayon dans les teґne`bres noires de l’enfer —
Ta voix dans le grondement et l’explosion des obus.
Et la`, dans le tonnerre, comme un quelconque
Seґraphin, elle annonce, cette voix sourde,
— On ne sait de quels anciens matins brumeux —
Combien il nous a aimeґs, nous, aveugles et anonymes,
Et le manteau bleu, et le peґcheґ — de perfidie... Et
Combien — plus tendrement — plus fortement encore —
Combien il n’a cesseґ de t’aimer, Russie, disparue
A jamais dans la nuit — pour de tristes histoires!
Et ses doigts glissent — le long de ses tempes —
Ils semblent interroger — d’un geste perdu —:
Les jours nous attendent, et la tromperie de Dieu,
Et quel nom a` venir pour un soleil qui ne se le`vera plus...
Ainsi, prisonnier en tete-a`-tete avec lui-meme,
(Ou bien cet enfant qui parle en revant)
Nous est apparu sur toute la vaste plaine —
Le cur sacreґ d’Alexandre Blok.

10

Il regarde, la`, fatigueґ des lointains,
Chef sans partisans,
La` — et l’eau du torrent dans le creux de sa main —
Prince sans terres.
La` — ou`, pourtant, tout: possessions et soldats,
Et pain, et me`re.
Ton hеґritage est beau, — dispose de lui,
Ami sans amis!

12

Vous, ses amis, — ne le deґrangez pas!
Vous, serviteurs, — ne le deґrangez pas!
On le voyait sur son visage:
Mon royaume n’est pas de ce monde.
Fatales, les neiges en rafales au long de ses veines
Et les eґpaules se courbaient sous le poids des ailes,
Et par la bouche et par le chant, dans l’ardeur qui
desse`che,
Il a laisseґ son a  me s’envoler comme un cygne.
Tombez, tombez donc, lourds ornements!
Les ailes connaissaient leur pouvoir: voler!
Et les le`vres, qui reґpeґtaient ce mot: reґponds!
Mourir n’existe pas, je le sais!
Il boit l’aurore, il boit la mer, — a` sa soif,
Il festoie. — Et pas d’offices pour les morts!
Car celui qui pour toujours a dit: il faut e  tre!
Aura du pain assez pour le nourrir.

13

Au-dessus de la plaine —
Le chant du cygne.
Me`re, n’as-tu pas reconnu ton fils?
Lui — de tre`s loin — au-dela` des nuages,
Lui, — et son dernier pardon.
Au-dessus de la plaine,
La neige fatale, en tourbillons.
Jeune fille, n’as-tu pas reconnu ton ami?
Chasuble deґchireґe, ailes en sang...
Lui, et son dernier mot: — Vis!
Au-dessus de cette maudite...
L’envol aureґoleґ. Le juste
S’empare d’une a  me: hosanna!
Le forc  at trouve — une couchette — la chaleur.
Et le fils adoptif la maison d’une me`re. — Amen.

14

Pas une co  te casseґe —
Une aile briseґe.
Pas la poitrine traverseґe
Des fusilleґs. Cette balle
Ne peut s’extraire. Les ailes sont
Irreґparables. Il vivait mutileґ.
Tenace, elle est tenace la couronne d’eґpines!
Qu’importe au deґfunt — l’eґmotion de la masse,
Et le duvet de cygne des flatteries feґminines...
Lui, il passait, solitaire, sourd,
Il figeait les couchers de soleil,
Absent, comme une statue sans regard.
Une seule chose vivait encore en lui:
Une aile briseґe.

15

Sans cri, sans appel: un couvreur
Qui tombe d’un toit. — Mais,
Peut-e  tre es-tu revenu, —
Peut-e  tre, coucheґ dans un berceau?
Tu bru  les et ne te consumes pas,
Flambeau, pour peu de temps...
Laquelle parmi les mortelles
Te berce, en ton berceau?
Fardeau bien-heureux!
Roseau propheґtique!
Qui donc me dira
Dans quel berceau?
«Pas vendu, pour l’instant!»
Je ferai seulement, avec, en moi,
Cette jalousie, un vaste monde
Sur la terre de Russie.
Je traverserai d’un bout
A l’autre les terres de minuit.
Ou` est sa bouche — sa blessure — ,
Ou` sont le plomb, le bleu de ses yeux?
Le saisir! Toujours plus fort!
L’aimer, n’aimer que lui!
Qui me dira tout bas
En quel berceau tu es?
Des perles, une a` une, et l’ombre,
Mousseline endormie. Ombre
D’une couronne aiguiseґe,
D’eґpines, pas de laurier.
Pas un rideau, un oiseau
Qui deґplie ses ailes blanches!
— Et natre a` nouveau
Pour qu’a` nouveau la neige te couvre?
L’attirer plus fort! Le tenir
Plus haut! Ne garder que lui!
Qui me soufflera
En quel berceau tu es?
Mon exploit est peut-e  tre faux,
Et mes efforts — vains.
Tu vas peut-e  tre dormir,
Comme en terre, jusqu’au dernier chant.
Je vois a` nouveau — le creux
Profond de tes tempes.
Aucune musique ne pourra
Effacer une telle fatigue.
La souveraine pature,
Le silence sur, rouilleґ.
Le gardien me montrera
Le berceau.

16

Comme endormi, comme ivre,
Au deґpourvu, sans preґparation,
Creux des tempes:
Conscience aux aguets.
Orbites transparentes:
Mort et clarteґ.
Vitre transparente
Du re  veur, du voyant.
N’est-ce pas toi
Qui n’as pas supporteґ
Le son de sa robe bruyante
De retour au pays de chez Hade`s
N’est-ce pas cette te  te
Qui flottait, pleine de cliquetis
Argentins, le long
De l’He`bre endormi?

17

Rec  ois, mon Dieu, rec  ois mon obole
Pour la soliditeґ du temple. Je ne chante
Pas l’arbitraire de mon amour, je chante
La blessure de ma patrie...
Non le coffre rouilleґ de l’avare —
Ni le granit — useґ par les genoux!
Mais, pour tous: le heґros et le tzar,
Pour tous — un juste — un chantre — la mort.
Le Dniepr brise la glace et la Russie
Coule vers toi, comme Pa  ques. —
Et bouscule les planches du cercueil
Dans une grande crue de mille voix.
Pleure ainsi mon cur, et chante la gloire!
Et que l’amour mortel soit jaloux
De tes cris — pour quelle autre millie`me fois? —
Car cet amour-la` se reґjouit de ton chant.
J’aime embrasser
Les mains, et j’aime
Donner des noms,
Et aussi — ouvrir
Des portes!
— Grandes-ouvertes — sur la nuit noire!
Et me tenir la te  te,
Ecouter ce pas, lourd,
Quelque part, qui devient leґger,
Et le vent, qui secoue
La somnolante, l’insomniaque
Fore  t.
Et la nuit!
Quelque part, des sources coulent,
Le sommeil me gagne.
Je dors presque.
Quelque part, un homme,
Dans la nuit, s’enfonce.
Dans ma tre`s grande ville — la nuit.
Je quitte — la maison endormie.
Les gens pensent: une femme, une fille, —
Mon seul souvenir: — la nuit — .
Le vent de juillet me pousse — en chemin,
Et la` une musique par la fene  tre — un rien.
Le vent, aujourd’hui, jusqu’a` l’aube — soufflera
Au travers de la poitrine — dans la poitrine.
Un peuple noir, et, par la fene  tre — une lumie`re,
Et le carillon de la tour, et dans la main — une fleur,
Et ce pas-la` n’embote le pas de personne,
Et cette ombre-la` — n’est pas la mienne.
Les feux de la feuille nocturne dans la bouche,
Comme les chanes des colliers en or — le gou  t!
Deґlivrez-moi des liens diurnes, amis,
Comprenez, je ne suis pour vous qu’un re  ve.
Noire comme la pupille, comme la pupille tu suces
La lumie`re — et je t’aime, nuit — qui vois si bien.
Laisse ma voix te chanter, aїeule des chants,
Qui tiens la bride des quatre vents. Je t’appelle,
Je chante tes louanges et ne suis qu’un coquillage
Que la voix de l’oceґan n’a pas encore deґserteґ.
J’ai deґja` trop regardeґ dans la pupille des hommes!
Nuit! Reґduis-moi en cendres, soleil noir, — nuit!
Qui dort, la nuit? Personne ne dort!
L’enfant, dans son berceau, crie,
Le vieillard veille a` sa propre mort,
Et le jeune garc  on parle a` sa jolie;
Il souffle sur ses le`vres,
Il la regarde dans les yeux.
Si tu t’endormais, ou` serais-tu, a` ton reґveil?
Nous aurons, nous aurons bien le temps de dormir!
Le garde au regard vigilant passe
De maison en maison, avec sa lanterne rose.
Et, sur l’oreiller, ce qui, par morceaux, gronde,
Agite sa bruyante creґcelle: — ne dors pas —
Tiens bon! J’insiste! Sinon — l’eґternel
Sommeil! — Sinon — la maison eґternelle.
Voici — de nouveau — une fene  tre,
Ou` — de nouveau — on ne dort pas.
On y boit du vin — peut-e  tre —,
On n’y fait rien — peut-e  tre —.
Ou alors, tout simplement,
Deux mains ne peuvent se seґparer.
Il y a, dans chaque maison,
Ami, une fene  tre pareille.
Le cri des seґparations, des rencontres —
Toi, fene  tre dans la nuit!
Des centaines de bougies — peut-e  tre —,
Trois bougies — peut-e  tre... —
Pas cela, et pas de repos
Pour mon esprit.
Et cela — cette chose me  me —
Dans ma maison.
Prie, mon ami, pour la maison sans sommeil,
Pour la fene  tre eґclaireґe!

Poemes pour Akhmatova

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